Ce 6 mars, le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, était lyrique lors de l’annonce qu’il avait réservée à la Journée nationale du quantique, à la Bibliothèque nationale de France, à Paris. « Pendant la seconde guerre mondiale, le Royaume-Uni lançait le programme Ultra pour construire les premières machines à décoder les codes secrets allemands. Aujourd’hui, nous lançons le projet Proqcima pour que la France dispose de deux prototypes d’ordinateur quantique en 2032. »
L’ordinateur quantique est cette vieille lune technologique qui promet, par une façon différente d’exécuter des calculs, d’accélérer certaines opérations, voire de résoudre certains problèmes insolubles aujourd’hui ou hors d’atteinte, y compris par les superordinateurs. En particulier, une telle machine pourrait « casser » les procédés de chiffrement utilisés dans les communications mais aussi dans les transactions bancaires. Mais là où les célèbres machines anglaises, Colossus ou la Bombe, ont effectivement fonctionné, les spécialistes savent qu’en 2032 les spécificités des prototypes visés par le programme Proqcima ne pourront casser aucun code secret.
En effet, ces puissances, mesurées notamment par le nombre de sortes de « transistors quantiques », les qubits, sont au moins dix ou cent fois en dessous des prérequis pour s’attaquer à l’opération mathématique sur laquelle repose une grande part de la sécurité numérique, la factorisation des entiers.
« Plus de demande en calcul que d’offre de machines »
Il n’empêche, les 500 millions d’euros prévus par la direction générale de l’armement (DGA) sur quinze ans pour cinq start-up nationales sont un indice de plus que le concept est passé de l’idée (il y a plus de quarante ans) aux laboratoires et, maintenant, à l’industrie. Hasard du calendrier, Google (par le biais de sa fondation), une des grandes entreprises avec Microsoft ou IBM à disposer de démonstrateurs de calculateurs quantiques, a lancé le 4 mars un concours technologique. Avec 5 millions de dollars à la clé pour l’équipe qui proposera, dans trois ans, un algorithme capable de fonctionner sur les machines quantiques existantes, « qui répondrait à un défi global sur le climat, le développement durable ou la santé ».
La conjoncture est plutôt bonne. Y compris pour les cinq acteurs retenus par la DGA. Des usines de fabrication de puces ont été inaugurées chez Quandela et C12 Quantum Electronics en 2023. Une seconde levée de fonds record, de 100 millions d’euros, a été annoncée par Pasqal en janvier 2023. Pour sa première levée de fonds, Quobly a reçu 19 millions d’euros en juillet 2023. Et, en mars, Alice & Bob, associé à des partenaires académiques, a bénéficié d’une subvention importante de la Banque publique d’investissement, d’un montant de 16,5 millions d’euros.
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