LA LISTE DE LA MATINALE
Il arrive encore d’être pris au dépourvu. Entre une biographie soignée mais convenue et la nouvelle saison d’une série que l’on a aimée, voilà que débarque cette semaine un lambeau de vie, un déchirement déchirant, qui entre par effraction dans les existences. Les séries donnent encore des signes de vie.
« Mon Petit Renne » : le cauchemar de la proie
A ne pas laisser à la portée des enfants : sous ce titre qui fleure bon la cannelle et le feu de bois, se cache un récit autobiographique cruel que l’auteur offre en un geste que l’on espère pour lui cathartique. Comique débutant, Richard Gadd, qui tient ici son propre rôle, fut en 2015 l’objet d’une fixation plus que névrotique de la part d’une femme. Dans Mon Petit Renne (c’est le sobriquet dont se retrouve affublé le narrateur), elle s’appelle Martha et est incarnée avec une précision impitoyable par Jessica Gunning. Face à elle, le comédien persuadé d’être raté, qui subsiste en tirant des pintes dans un pub, se comporte comme un lapin pris dans les phares d’une voiture. Ebloui par la lumière du regard porté sur lui, il se laisse prendre dans des filets dont il ferait bien son lit, avant de se débattre, sans succès.
Il ne s’agit pas ici de renverser le schéma le plus courant de la prédation en inversant les genres, mais de mettre en scène la dialectique qui unit le bourreau à la victime (au quatrième épisode, un flash-back en esquissera les origines), qui passe par leur commune humanité. Avec concision et courage, Mon Petit Renne se sert de la fascination suscitée par une collision catastrophique entre deux êtres pour dessiner leurs blessures. T. S.
Série créée et interprétée par Richard Gadd. Avec Jessica Gunning, Nava Mau, Tom Goodman-Hill (Royaume-Uni, 2024, 7 × 25 à 45 minutes). Sur Netflix.
« Franklin » : un Américain à Paris, 150 ans avant Gershwin
Sa physionomie bonhomme agrémente les coupures de 100 dollars du Trésor américain, on se le représente jouant au cerf-volant sous l’orage. Dans l’iconographie américaine, Benjamin Franklin représente la face conviviale de la révolution, celle du bon sens et de la tolérance – d’autant que son âge au moment de la Déclaration d’indépendance, 70 ans, lui interdit de prendre part à la lutte armée. Ce n’est pas tout à fait l’étoffe dont on fait les héros de séries, et c’est bien sûr de cette constatation que les créateurs de Franklin sont partis. Ils ont offert le rôle à Michael Douglas, aujourd’hui quasiment octogénaire, et ont choisi de porter à l’écran le séjour parisien de Benjamin Franklin, de 1777 à 1785. L’imprimeur de Boston, scientifique éminent, était aussi homme d’Etat. Il traversa l’Atlantique pour convaincre un monarque absolu d’aider une république en devenir à se débarrasser de la tutelle d’un monarque constitutionnel.
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