mercredi, mai 8
Couples de skyrmions antiferromagnétiques déplacés dans une piste magnétique par un courant électrique.

Ce n’est pas tous les jours que vous avez l’occasion de lire un article sur les skyrmions. A vrai dire, ce n’est que la deuxième fois que Le Monde consacre des lignes à ces étonnantes structures. Mais il va peut-être falloir s’habituer à ce nouveau vocabulaire. « Les skyrmions peuvent représenter l’entité ultime d’information magnétique manipulable. L’excitation actuelle devrait durer », prédisait le Prix Nobel de physique 2007, Albert Fert, dans ces colonnes, en août 2013. Onze ans plus tard, « on est en train de dépasser largement les perspectives qui étaient alors imaginées », s’émerveille Stanislas Rohart, chercheur CNRS au Laboratoire de physique des solides à l’université Paris-Saclay.

Lire aussi l’archive (2013) | Article réservé à nos abonnés Le skyrmion, mémoire en attente

De quoi s’agit-il ? D’une structure magnétique de quelques nanomètres, 10 000 fois plus fine qu’un cheveu, composée de spins d’électrons enroulés en spirale. Les spins, propriété magnétique des charges négatives, noués ainsi de façon très stable peuvent être mis en mouvement par paquets, sans faire bouger les électrons. De telles spirales, les skyrmions, qui tiennent leur nom du physicien britannique Tony Skyrme, qui les a imaginés en 1962, n’ont été observées pour la première fois qu’en 2009.

Qui dit structure magnétique, dit capacité de mémorisation d’une information. D’où un réel engouement de la communauté des chercheurs depuis quinze ans pour cet objet en forme de bulle de savon aplatie. Mais il souffre d’un défaut, l’effet Hall, qui est au champ magnétique ce que l’effet Magnus est au terrain de football. Le skyrmion va dévier de la route qu’on veut lui imposer, comme le ballon de foot brossé qui infléchit sa course. « Il y a un effet gyroscopique très beau du point de vue de la physique fondamentale, j’étais hypercontent la première fois que j’ai vu ce comportement dans un de mes échantillons », se souvient Stanislas Rohart. Mais la beauté ne fait pas l’efficacité.

L’effet gyroscopique dompté

C’est à cette difficulté intrinsèque qu’une équipe du laboratoire Spintronique et technologie des composants (Spintec, université Grenoble-Alpes, CNRS, CEA) a trouvé une solution publiée dans la revue Science le 19 avril. Les chercheurs grenoblois sont parvenus à dompter l’effet gyroscopique des skyrmions. Ce qui a permis de les faire se déplacer dans la même direction, dans un faible courant électrique, à des vitesses allant jusqu’à 900 mètres par seconde. Une prouesse par rapport aux 100 mètres par seconde observés jusqu’ici. Et un changement d’échelle riche en perspectives, nous y reviendrons.

Il vous reste 54.94% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version