samedi, mai 4
Un poste de contrôle des forces de sécurité sahraouies près du camp de réfugiés de Dakhla, à quelque 170 km au sud-est de la ville algérienne de Tindouf, en janvier 2023.

Encore raté. Prévue pour le 12 février, la visite à Alger du ministre espagnol des affaires étrangères José Manuel Albares, qui devait confirmer le réchauffement des relations entre Alger et Madrid, a été annulée à la dernière minute. Un revirement décidé par le ministre espagnol lui-même, en raison, officiellement, de « problèmes de calendrier » du côté algérien.

D’après plusieurs sources à Alger, Madrid n’aurait pas accepté que l’on déroge à l’usage en vigueur en Algérie qui veut que le président de la République accorde une audience aux ministres des affaires étrangères en visite à Alger.

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Selon le quotidien Le Soir d’Algérie, citant une source algérienne « bien informée », les autorités auraient émis de sérieuses réserves quant aux « positions ambiguës » de José Manuel Albare sur le dossier sahraoui, « contrairement à son chef du gouvernement [Pedro Sanchez] qui a nettement évolué sur cette question ».

Une normalisation a minima avec l’Espagne

En refusant de recevoir le ministre espagnol, le président Abdelmadjid Tebboune semble vouloir s’en tenir à une normalisation a minima avec l’Espagne. Le chef de l’Etat algérien avait eu, en juin 2022, des propos durs à l’encontre du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, qui a opéré un changement radical de la position de Madrid sur le conflit de Sahara occidental en qualifiant, le 18 mars 2022, le plan marocain de « base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend ».

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Circonstances aggravantes aux yeux des autorités algériennes, ce virage, dont elles n’ont pas été informées, a été annoncé par un communiqué du palais royal à Rabat. « Nous avons de très solides liens avec l’Etat espagnol, mais le chef du gouvernement [Pedro Sanchez] a tout cassé », avait déclaré le président Tebboune, en dénonçant un revirement « inacceptable moralement et historiquement ».

Les mesures de rétorsion se sont dès lors succédé : rappel de l’ambassadeur algérien à Madrid, suspension du traité d’amitié et de bon voisinage avec l’Espagne et gel des échanges commerciaux sauf pour les hydrocarbures. La crise a duré dix-neuf mois avec des conséquences économiques significatives pour les entreprises espagnoles.

En novembre 2023, un nouvel ambassadeur, Abdelfattah Daghmoum, a été nommé à Madrid, amorce d’un début de retour à la normale. Le bras de fer semblait d’autant plus vain que Pedro Sanchez a réussi la prouesse de rester au pouvoir après les élections législatives de juillet 2023, la droite espagnole n’ayant pas réuni une majorité au Parlement.

Soutien au plan d’autonomie marocain

Pour justifier ce changement d’attitude vis-à-vis de l’Espagne après dix-neuf mois de bras de fer, les autorités algériennes ont mis en avant les propos, très millimétrés, de Pedro Sanchez sur la question du Sahara occidental dans son discours à l’assemblée générale de l’ONU. Les médias algériens se sont livrés à une exégèse du discours en relevant que le dirigeant espagnol avait plaidé pour une solution au conflit au Sahara occidental dans le cadre de la charte des Nations unies et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU « sans faire référence à sa position antérieure alignée sur le plan d’autonomie marocain. »

La même lecture a été faite par le ministre des affaires étrangères, Ahmed Attaf, dans un entretien à la chaîne Al-Jazira en décembre 2023. Selon lui, l’Espagne a changé sa position « à 180 degrés ». « Ce qui a donné le feu vert à la réévaluation de nos relations avec l’Espagne, c’est le discours prononcé par Pedro Sanchez à l’assemblée générale des Nations unies et il a changé de position », avait-il assuré.

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L’affirmation a laissé les observateurs dubitatifs, ni Pedro Sanchez, ni son ministre des affaires étrangères n’ayant renié la lettre envoyée au roi Mohammed VI soutenant le plan d’autonomie marocain. Le président Abdelmadjid Tebboune et sans doute l’institution militaire sont à l’évidence moins convaincus du changement « à 180 degrés » de la position espagnole. « Il semble que malgré le dégel, il reste encore des divergences non résolues entre les deux capitales », note le site algérien TSA.

Le Sahara occidental est un axe central de la politique étrangère algérienne. Le conflit envenime les rapports entre l’Algérie et le Maroc, déjà marqués du sceau de la méfiance depuis la « guerre des sables » de 1963. En 1994, l’Algérie a décidé, en réponse à l’instauration du visa pour les Algériens par le Maroc à la suite d’un attentat à Marrakech, imputé, à tort, aux services algériens, de fermer sa frontière terrestre avec le voisin. Alger a décidé, en décembre 2021, de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc.

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