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Une pâture louée par la ferme Terre de sens, à Bermeries (Nord), le 29 janvier 2024.

C’est une petite musique qui revient depuis le début de la contestation agricole, le 16 janvier : sous la protestation des agriculteurs affleurerait une crise des campagnes. Certes, du Rassemblement national (RN) à La France insoumise (LFI), c’est d’abord l’Union européenne, les traités de libre-échange et les contraintes qui sont dénoncées. Mais, a fait valoir le président du RN, Jordan Bardella, le 20 janvier, le mouvement des agriculteurs « porte aussi la voix des territoires ruraux ».

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Et pourtant, corrigent de nombreux acteurs, réduire les campagnes aux agriculteurs est caricatural. Les territoires ruraux, divers, ne sont pas qu’agricoles, tant s’en faut. Ils le sont même de moins en moins, d’ailleurs. Les agriculteurs, 1,6 million en 1982 (7,1 % des travailleurs), ne sont plus que 400 000 (1,5 %) en France. Dans les campagnes, ils ne représentent plus qu’entre 5 % et 15 % de la population active, rappelle Yves Jean, professeur émérite à l’université de Poitiers et membre du laboratoire Ruralités. Or, indique-t-il, s’y trouvent également « 25 % de ménages d’ouvriers, 25 % de ménages d’employés, des professions intermédiaires, des cadres moyens, de nombreux nouveaux habitants, qui font la diversité sociale des espaces ruraux ».

Par ailleurs, la crise paysanne est d’abord celle d’un petit patronat agricole qui voudrait vivre de son travail et plus de liberté pour entreprendre, a constaté François Purseigle, chercheur associé à Sciences Po Paris et professeur à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse. « Ce n’est pas un mouvement ruraliste mais la crise d’une certaine ruralité, conclut-il. C’est avant tout le mouvement de petits patrons qui se sentent dépossédés. » Certes, cette activité est centrale dans les campagnes. « Ce sont les agriculteurs qui font vivre la terre, qui entretiennent les paysages et nourrissent une économie locale », relève Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France. « Nous, élus ruraux, admet-il, on est conscient que si on n’accompagne pas les paysans, on se tire une balle dans le pied. »

« Vider les campagnes »

Les responsables politiques ne contestent pas cette réalité sociologique. Pour autant, ils évoquent tous une « convergence entre la crise agricole et les crises que connaissent certains territoires ruraux », selon les mots de Manon Meunier, députée LFI de Haute-Vienne. L’ingénieure agronome a coordonné un « plan de La France insoumise pour les territoires ruraux ». « Beaucoup de sujets remontés par les agriculteurs font largement écho à des préoccupations du monde rural », abonde David Valence, député des Vosges (Parti radical, apparenté au groupe Renaissance) et président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale.

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