dimanche, mai 5
L’Affiche rouge est publiée par la propagande allemande au moment du procès et de l’exécution des membres du groupe Manouchian-Boczov, formé de résistants communistes immigrés, en février 1944.

Directeur de recherche émérite au CNRS, historien spécialiste de la seconde guerre mondiale et des sciences de la mémoire, Denis Peschanski a publié de nombreux ouvrages sur la Résistance, notamment sur les résistants étrangers. Le dernier en date, écrit avec Claire Mouradian et Astrig Atamian, porte sur Manouchian (Textuel, 2023). Il est conseiller historique de la BD Missak Manouchian. Une vie héroïque (Didier Daeninckx et Mako, Les Arènes, 2024) et coauteur du documentaire d’Hugues Nancy pour France Télévisions Manouchian et ceux de l’Affiche rouge (2024).

Pourquoi le président de la République, Emmanuel Macron, a-t-il voulu la panthéonisation de Missak Manouchian et Mélinée, sa compagne, le 21 février 2024 ? Quel est votre avis sur les réactions que cette initiative a suscitées ?

La panthéonisation de Missak Manouchian a été proposée à plusieurs reprises, en particulier quand le président François Hollande a fait entrer au Panthéon quatre résistants, Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay en mai 2015 : ni un résistant communiste ni un résistant étranger. Pourquoi ne pas avoir choisi à cette époque Missak Manouchian ou Marie-Claude Vaillant-Couturier, une responsable communiste, résistante et déportée, proche de Geneviève de Gaulle-Anthonioz ? Par la suite, fin 2021, un comité pour la panthéonisation de Manouchian a été organisé par Jean-Pierre Sakoun, le président d’Unité laïque. Ce comité s’élargit petit à petit, et j’en suis le conseiller historique. Le 30 mars 2022, le comité est reçu par le cabinet du président de la République, l’accord d’Emmanuel Macron est quasiment acquis. L’annonce officielle intervient le 18 juin 2023.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : Résistants », février 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

La démarche de ce comité s’inscrivait dans une perspective -universaliste, à l’opposé de l’assignation à résidence identitaire. Avec Missak Manouchian, accompagné de Mélinée, ce sont les « 23 » du procès dit de « l’Affiche rouge » et tous les résistants étrangers qui entrent au Panthéon. Dans les condamnés de « l’armée du crime », comme les qualifiait la propagande allemande, il y avait des juifs polonais, beaucoup de juifs en général, des Italiens, des Arméniens, un Espagnol, etc. Ils ont tous des identités plurielles.

Manouchian est un orphelin du génocide de 1915. En venant en France, il entre assez rapidement dans la mouvance communiste, il adhère au Parti communiste français (PCF) en 1934, tout en jouant un rôle important dans l’immigration arménienne. Communiste, arménien, internationaliste, mais en même temps, et on en a la preuve par des documents découverts l’été 2023 dans les archives, il veut devenir français et soumet deux demandes de naturalisation en 1933 et 1940. Sans succès.

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