samedi, mai 4

La France a tardé à comprendre que, dans une guerre, la propagande est aussi dangereuse que les canons. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a ouvert, à l’automne 2023, une enquête sur des soupçons de tentative de déstabilisation des élections européennes du 9 juin. Selon les éléments réunis par Le Monde, confirmés par une source au sein du ministère de l’intérieur, ils portent sur la constitution d’une liste en France servant les intérêts de la Russie et pouvant bénéficier du soutien de Moscou. D’autres pays de l’Union européenne (UE) seraient visés par des menaces similaires visant à affaiblir le front anti-Moscou né de la guerre en Ukraine. Le 3 janvier, Josep Borrel, chef de la diplomatie européenne, avait averti qu’en cette année électorale, « l’Europe est en danger ».

Pour l’heure, les investigations de la DGSI ne sont qu’administratives mais elles ont déjà fait l’objet de nombreuses surveillances techniques et humaines. Aucune des personnes figurant parmi les acteurs présumés de cette opération n’a été interrogée et, selon nos informations, les contre-espions français n’auraient pas encore établi de liens formels entre le régime russe et ses relais français. Néanmoins, les principaux services de renseignement européens accordent assez de crédit à cette menace pour se retrouver, mi-mars, afin de coordonner leurs efforts et répondre à cette vaste attaque concertée.

La DGSI surveille ainsi depuis des mois le projet de liste européenne porté un ancien député européen français Front national (l’ancien nom du Rassemblement national, RN), Jean-Luc Schaffhauser, aidé par des figures prorusses proches de l’extrême droite, comme l’ancien militaire Pierre Plas, le journaliste Dimitri de Kochko ou d’anciens du RN comme Guillaume Pradoura. M. Schaffhauser avait été auditionné, en 2023, à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères dans la vie politique française. Il était intervenu dans l’obtention, par le Front national, de deux prêts destinés à financer le parti de Marine Le Pen, notamment celui délivré, en 2014, par une banque russe.

« J’agis dans l’intérêt de la France »

Membre de l’Opus Dei, M. Schaffhauser ne cache pas son rêve de voir des partis d’extrême droite accéder au pouvoir dans toute l’UE. Cet ancien consultant pour Dassault et Thales en Russie s’applique aujourd’hui à réunir les fonds nécessaires au financement de sa campagne. « Il me faut 2,5 millions d’euros, dit-il. J’ai repris des missions de conseil sur les contentieux entre Etats, notamment avec l’Italie. Je ne peux pas faire appel à un Russe fortuné pour des raisons évidentes. Je démens toute forme d’ingérence étrangère dans ma démarche politique, j’agis dans l’intérêt de la France. »

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