En amont, le trafic reste dense. Seuls des panneaux installés par l’ONG Handicap International, qui appellent à ne pas s’approcher des munitions non explosées, rappellent la proximité de la guerre. C’est à partir de Rachaya, à une trentaine de kilomètres de la frontière, que la route qui plonge depuis la plaine de la Bekaa en se faufilant aux pieds du mont Hermon se vide de toute circulation. Les avions israéliens zèbrent le ciel de traînées blanches. Au sol, le trait de bitume, qui serpente entre des collines rocailleuses et des champs d’oliviers, n’est guère plus fréquenté que par l’armée libanaise. Non impliquée dans les combats, celle-ci continue de payer son tribut au conflit.
Mercredi 20 novembre, un militaire a de nouveau été tué par une frappe aérienne alors qu’il circulait à bord d’un blindé léger près de Qlayaa, à 4 kilomètres à vol d’oiseau de la ligne de démarcation entre le Liban et Israël. Deux autres soldats, blessés, ont été hospitalisés à l’hôpital de Hasbaya, à 15 kilomètres.
Cette petite ville est l’ultime étape avant les combats. La nonchalance trompeuse de la localité contraste avec le vacarme des explosions qui se répercute de colline en colline. Ici le calme est fragile. Hasbaya le doit à la composition de sa population : c’est une ville mixte où se côtoient une majorité de druzes, une minorité chrétienne et une minorité sunnite. En cet après-midi de novembre, l’artillerie et l’aviation israéliennes ciblent la ville de Khiam, une place forte du Hezbollah, 10 kilomètres au sud ; une incursion terrestre est en cours à Chebaa, 7 kilomètres à vol d’oiseau, au sud-est. Les habitants des villages à majorité chiite des environs ont eux presque tous quitté les lieux.
« Le Hezbollah n’existe pas ici »
« On s’y fait, c’est presque tous les jours pareil », constate Anwar Aboughaida, 58 ans, en pointant son doigt en direction du bruit. Mais lui ne s’est pas remis de la nuit du 25 octobre. C’est chez lui, dans le Hasbaya Village Club, un ensemble de chalets construits en bord de rivière, que trois journalistes libanais ont été tués par une frappe israélienne. Ce sont à ce jour les seules victimes de la guerre à Hasbaya. Dix-sept journalistes, représentant huit médias, habitaient les lieux, et sept d’entre eux ont été blessés. « Je ne m’attendais absolument pas à ce que cela arrive ici et à ce qu’ils s’en prennent à des journalistes. J’avais d’ailleurs refusé de louer à des déplacés venus d’autres villages, car je ne les connaissais pas et je ne voulais pas héberger quelqu’un susceptible de représenter une cible… Le Hezbollah n’existe pas ici », explique-t-il, affairé à déblayer les gravats de l’un des chalets.
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