La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, effectue jeudi 21 novembre, dans le Pas-de-Calais, sa première visite sur le terrain depuis le retour des exploitants dans la rue, qui dénoncent en particulier le projet d’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, la zone de libre-échange sud-américaine.
Lors de sa visite, Mme Genevard a de nouveau estimé que les pesticides autorisés en Europe devraient l’être « également en France ». « On ne peut pas considérer que les vingt-six autres pays européens qui accordent des autorisations de traitement [phytosanitaire] le font au mépris de la santé de leur population », a déclaré la ministre lors d’un point presse à l’issue de sa visite d’une exploitation d’endives à La Couture (Pas-de-Calais).
« Donc pourquoi est-ce que, nous, nous avons des surtranspositions, c’est la question », a-t-elle ajouté. « Le débat aura lieu au Parlement (…), c’est une question compliquée, mais, moi, je me place résolument du point de vue des producteurs, je ne veux pas laisser les producteurs dans le désarroi voire le désespoir de la perte de leur filière », a-t-elle affirmé. La ministre a aussi promis « dans les prochains jours des annonces en matière de simplification ».
Mais, pour Lucie Delbarre, présidente de la FDSEA du Pas-de-Calais, ce déplacement n’est pas de nature à calmer la colère des agriculteurs : « On a des petites mesurettes qui arrivent, mais, nous, ce qu’on veut, c’est [que] l’ensemble de nos revendications [soient satisfaites], (…) qu’on puisse vivre de notre métier sereinement ».
Le port de Bordeaux bloqué
Selon les autorités, « la mobilisation apparaît en baisse » à l’échelle du pays par rapport au début de la semaine et semble se circonscrire aux actions des « bonnets jaunes » de la Coordination rurale (CR), le deuxième syndicat agricole.
Le port de commerce de Bordeaux, investi mercredi soir par les manifestants de la CR, était toujours bloqué jeudi à la mi-journée. « C’est dans ces ports que l’on importe des céréales qui ne sont pas soumises aux mêmes normes que les nôtres, et c’est quelque chose que l’on veut dénoncer », expliquait mercredi Karine Duc, une responsable de la CR. Le syndicat revendiquait jeudi matin 200 manifestants et quelque 80 tracteurs sur place. « Cette occupation génère d’importantes perturbations », selon la préfecture.
« On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [le premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles (…), on ne veut pas un peu d’argent aujourd’hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent », a déclaré Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.
Dans les Landes, des agriculteurs de la CR occupent une centrale d’achat Leclerc à Mont-de-Marsan, mais les autorités leur ont donné jusqu’à vendredi inclus pour libérer les lieux, a appris l’Agence France-Presse (AFP) auprès de la préfecture.
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A Beychac-et-Cailleau, en Gironde, les gendarmes ont fait évacuer « sans incident » le blocage de deux plateformes logistiques. « Il n’est pas acceptable que soient déployés contre nos mobilisations pacifiques des blindés, que des évacuations soient engagées sans délai », a réagi la CR dans un communiqué, ajoutant : « Cela retarde la sortie de crise. »
La préfète du département a condamné « les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale » mercredi sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie « volontairement déclenché » dans son enceinte.
A Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.
Elections professionnelles
Mercredi, Mme Genevard a redit l’opposition du gouvernement à l’accord avec le Mercosur et sa volonté de réunir une minorité de blocage au sein de l’UE pour l’empêcher. « On y travaille ardemment », a promis Mme Genevard, ajoutant : « On va faire tout ce qu’on peut pour empêcher cet accord qui est mauvais. »
Sur la mobilisation des agriculteurs, Mme Genevard a jugé mercredi soir qu’« on ne peut pas accepter qu’il y ait des débordements ». « On a fixé le cadre qui n’exclut pas le dialogue, qui n’exclut pas la protestation », a-t-elle ajouté, alors que son collègue de l’intérieur, Bruno Retailleau, avait évoqué dimanche une « tolérance zéro » en cas de « blocage durable ».
Ce nouvel épisode de manifestations survient à quelques semaines d’élections professionnelles. La CR compte briser l’hégémonie de l’alliance majoritaire entre la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Ces deux syndicats avaient prévenu qu’ils se mobiliseraient jusqu’à la mi-décembre contre l’accord commercial avec des pays du Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu. Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne a aussi organisé des actions pour dénoncer tous les traités de libre-échange.
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a annoncé que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, « mardi, mercredi et jeudi ».