Israël affirme que des milliers de tonnes d’aide ne sont jamais acheminées à Gaza.
Les ONG dénoncent une obstruction israélienne et des pillages par des « gangs locaux ».
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L’info passée au crible des Vérificateurs
L’aide humanitaire manque cruellement à Gaza, selon les alertes répétées des ONG. Mais à qui la faute ? Israël affirme sur ses réseaux sociaux que des « milliers de tonnes transférées depuis Israël attendent depuis des mois d’être distribuées » dans la bande de Gaza et que « le Hamas prend le contrôle de milliers de convois humanitaires ». Nous nous sommes penchés sur cet argument, régulièrement énoncé par l’État hébreu.
Les images partagées ici (nouvelle fenêtre) proviennent de la chaine de télévision israélienne N12. Le 19 décembre, le média révèle (nouvelle fenêtre) que « dans l’immense complexe du terminal de Kerem Shalom, du côté palestinien, 885 camions attendent depuis des mois, et une partie va être détruite, car elle est expirée ». N12 assure encore que « plus de 200 camions entrent chaque jour dans la bande de Gaza » mais que « les terroristes du Hamas attendent le matériel, en prennent le contrôle et continuent ainsi à survivre ».
700 camions déjà dans l’attente au printemps
L’estimation des 800 camions patientant à la frontière, du côté de la bande de Gaza, vient du Cogat, l’organisme israélien chargé des affaires civiles dans les territoires palestiniens occupés. Le 28 novembre, le Cogat a convié la presse à la visite d’un entrepôt de Kerem Shalom pour montrer l’étendue de l’aide ayant traversé la frontière. Un journaliste de l’AFP était présent, comme le montre la photo ci-dessous. Au printemps dernier, Israël assurait déjà (nouvelle fenêtre) que « 700 camions » attendaient d’être distribués à la population, au même endroit, sans en préciser l’origine.
Contactée, la Croix rouge précise que « quel que soit le nombre de camions ou de palettes d’aide qui peuvent entrer à tout moment, cela ne signifie pas grand-chose pour les personnes sur le terrain si les conditions ne sont pas réunies pour que les organisations humanitaires puissent distribuer cette aide de manière efficace » et que « le travail ne s’arrête pas à l’entrée d’un camion dans la bande de Gaza ». De plus, ces images ne peuvent prouver que 800 camions patientent « depuis des semaines » de ce côté de la frontière, puisqu’elles sont le fruit d’une opération de communication. De manière générale, la réalité de la situation à Gaza est difficile à percevoir, mais on sait que les ONG sur place dénoncent des obstacles majeurs dans l’acheminement de l’aide vers la population.
L’absence de coopération d’Israël est d’abord pointée du doigt par les associations humanitaires. Le 22 décembre, Oxfam raconte (nouvelle fenêtre) que « sur les 34 camions de nourriture et d’eau autorisés à entrer dans le gouvernorat de Gaza-Nord au cours des deux derniers mois et demi, seuls douze ont pu distribuer de l’aide aux civils palestiniens affamés en raison de retards délibérés et d’obstructions systématiques de l’armée israélienne ». Interrogée sur la présence de ces camions à Kerem Shalom, l’ONG se borne à souligner « une obstruction systémique et délibérée à l’aide » envoyée à Gaza.
Des actes de pillage des convois d’aide
Par ailleurs, le bureau de l’ONU chargé de coordonner l’aide à Gaza (OCHA) assure que (nouvelle fenêtre) « depuis le 1ᵉʳ décembre, les autorités israéliennes ont refusé 48 des 52 tentatives de l’ONU visant à coordonner l’accès humanitaire, tandis que quatre mouvements approuvés ont tous été entravés ». S’étant rendu sur place, le secrétaire adjoint de l’OCHA indique que (nouvelle fenêtre) « plus de 100 demandes d’accès au nord de Gaza ont été refusées depuis le 6 octobre » et alerte sur « l’effondrement de l’ordre public et (le) pillage systématique de nos approvisionnements par des gangs locaux ».
En effet, des actions de pillages par des « gangs locaux », ou « bandes armées » sans qu’elles soient directement affiliées au Hamas, sont de plus en plus constatées par les ONG (nouvelle fenêtre). Le 22 décembre, l’International Medical Corps dénonce, cité par l’OCHA (nouvelle fenêtre), le pillage de « 22 camions transportant des fournitures médicales et d’hygiène dans le cadre d’un convoi de 70 camions » entre Kerem Shalom et un entrepôt de l’ONU à Khan Younis, dans le sud de l’enclave, et le vol de « 111 des 150 palettes de fournitures destinées à ses deux hôpitaux de campagne ».
Dans ce contexte, l’Unrwa a acté (nouvelle fenêtre) le 1ᵉʳ décembre la suspension de ses livraisons depuis le poste de Kerem Shalom, en arguant que « la route qui permet de sortir de ce passage n’est plus sûre depuis des mois » et en rappelant que « le 16 novembre, un important convoi de camions d’aide a été volé par des bandes armées ». Dans son communiqué, l’agence de l’ONU déplore « la poursuite du siège », « des obstacles posés par les autorités israéliennes », ou encore le « manque de sécurité sur les itinéraires d’acheminement de l’aide ».
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