- Face à la propagation de la dermatose nodulaire en France, le gouvernement français déploie une stratégie contestée d’abattage de cheptels contaminés.
- Plusieurs publications en ligne accusent l’Union européenne d’utiliser le prétexte de cette crise pour réduire le cheptel français… pour faciliter les importations de viandes dans le cadre de l’accord du Mercosur.
- Une rumeur sans aucun fondement, agitée notamment par la sphère souverainiste.
Suivez la couverture complète
L’info passée au crible des Vérificateurs
Les crises se télescopent et les tensions, elles, ne cessent de grimper. Depuis plusieurs jours, des éleveurs et syndicats sont vent debout contre la stratégie gouvernementale d’abattage systématique d’un troupeau (nouvelle fenêtre), en cas de contamination à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Dans le même temps, et de façon plus unanime, les agriculteurs français s’opposent au traité entre l’Union européenne et le Mercosur (nouvelle fenêtre), rassemblant plusieurs pays d’Amérique latine. Après des manifestations mouvementées jeudi 18 décembre à Bruxelles, la signature a été repoussée à janvier (nouvelle fenêtre).
D’une crise à l’autre, certains dressent des ponts… plutôt surprenants. Selon plusieurs publications en ligne, l’Union européenne cherche à abattre des vaches pour laisser place à des importations de viande étrangère, dans le cadre de cet accord. Que sait-on vraiment de ces accusations ?
« Comment ne pas voir de rapport ? » : une rumeur qui circule depuis des semaines
« Derrière cet abattage des vaches, il y a le Mercosur, et toutes les importations extérieures »
, lâche par exemple l’ancien médecin Gérard Delépine, lors d’une interview pour le média en ligne Tocsin (nouvelle fenêtre), qui appelle à « repren(dre) notre souveraineté »
. « C’est l’Union européenne qui a décidé de faire disparaître le cheptel européen »
, accuse cette figure de la sphère anti-vaccin, qui s’était notamment opposé au port du masque pendant la crise du Covid-19 (nouvelle fenêtre).
« Comment ne pas voir de rapport ? »
, lâche aussi un internaute sur X (nouvelle fenêtre). « Il faut laisser la place aux importations agricoles, et nous réduire à la dépendance alimentaire de l’étranger »
, abonde également Sylvie Jégou (nouvelle fenêtre), ancienne candidate du parti souverainiste Les Patriotes. Son président Florian Philippot, ancien eurodéputé d’extrême droite devenu désormais figure des complotistes, avait d’ailleurs lancé la rumeur dès le mois dernier. « L’UE exige la réduction massive de notre cheptel »
, pour « faire de la place à l’agriculture mondialisée venue du Mercosur et d’ailleurs »
, avait-il accusé sur X (nouvelle fenêtre).
« Il faut (…) faire disparaître l’élevage français pour laisser place pour laisser place à des denrées qui viennent du bout du monde, de qualité épouvantable »
, avait-il tempêté, appelant à « arrêter le massacre »
, après l’abattage de plusieurs vaches à cause d’une contamination à la DNC dans un élevage de Nyer, en Occitanie, comme l’avait relayé notamment L’Indépendant
(nouvelle fenêtre).
Si de nombreux messages ciblent surtout l’Union européenne, certains mettent aussi en cause le gouvernement français. « Mercosur, DNC : Macron veut la peau des derniers agriculteurs français »
, titrait au début du mois un article (nouvelle fenêtre) du site proche de l’extrême droite Riposte Laïque, qui affirmait aussi que le président français « profitera de ses derniers mois au pouvoir pour porter des coups mortels »
au secteur. « Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen (la présidente de la Commission européenne, ndlr), veulent la peau des derniers agriculteurs français »
, a embrayé une internaute sur X (nouvelle fenêtre), évoquant même un « accord secret »
.
Aucun lien entre les deux dossiers, selon une source proche
Pourtant, d’après une source proche du dossier, toutes ces affirmations n’ont aucun fondement : l’Union européenne n’a jamais cherché à profiter des abattages de certains cheptels touchés par la dermatose pour faciliter l’importation de viandes étrangères, dans le cadre de l’accord avec le Mercosur.
Le traité, négocié depuis plus de 25 ans, prévoit la création de la plus grande zone de libre-échange au monde. Il est bien contesté par les agriculteurs et syndicats français du secteur, ainsi que dans d’autres pays européens. Ils reprochent aux pays exportateurs d’Amérique latine de ne pas respecter des réglementations tant environnementales et sociales (nouvelle fenêtre), auxquelles ils sont soumis eux-mêmes. Ce qui donnerait lieu à une concurrence déloyale. Mais ce dossier n’a aucun lien avec celui de la lutte contre la dermatose nodulaire, maladie qui sévit depuis plusieurs mois en France et qui peut être mortelle pour les bovins (nouvelle fenêtre).
L’abattage de cheptels est strictement encadré par la législation européenne (nouvelle fenêtre), soumis à des critères sanitaires. Contactée par TF1info, la Commission européenne fait valoir que « l’abattage rapide et total des cheptels infectés »
est « nécessaire »
pour contrer la propagation de la maladie, dont on recense 113 foyers en France depuis juin. Au même titre que plusieurs autres méthodes, dont la « détection précoce des cas »
et la « vaccination »
.
« La contagiosité, la rapidité de transmission et le fait de ne pas savoir avec certitude l’état infectieux des animaux d’une zone affectée où le virus circule (…) rend absolument essentiel ces strictes mesures de biosécurité »
, poursuit-elle, défendant « rapidité et rigueur »
. Et de pointer le succès de cette stratégie en Savoie (nouvelle fenêtre), touchée en juin par la maladie, qui a depuis été quasiment endiguée au prix d’abattages systématiques.
Plus largement, l’institution assure être « consciente de la situation en France et reste (quotidiennement) en contact étroit avec les autorités françaises »
. Elle étudie par ailleurs « comment soutenir davantage les autorités et les agriculteurs »
, « par exemple en fournissant une assistance technique et en remboursant partiellement les mesures d’urgence prises »
.
La France mise en cause…. alors qu’elle s’oppose au traité avec le Mercosur
Quant aux mises en cause contre le gouvernement français, le ministère de l’Agriculture n’a pas répondu à nos sollicitations sur le sujet. Mais il est certain que ces accusations manquent de cohérence : l’exécutif encouragerait l’abattage de cheptels français pour faciliter la mise en œuvre de l’accord UE-Mercosur, alors même qu’il a critiqué à plusieurs reprises sa version actuelle. Jeudi, le président Emmanuel Macron lui-même avait menacé de « s’opposer »
à toute décision sur le traité (nouvelle fenêtre), avant qu’Ursula von der Leyen n’acte finalement le report d’un mois de sa signature.
Le dirigeant français demande plusieurs modifications pour accepter le texte, dont des « clauses miroirs »
en matière de normes sanitaires et environnementales entre les producteurs européens et ceux du Mercosur. Paris ne souhaite donc pas faciliter l’importation de denrées de mauvaise qualité au détriment des éleveurs français, comme le suggère la rumeur à ce sujet.
Plus largement, le gouvernement français a justifié à plusieurs reprises sa stratégie d’abattage par les risques encourus face à la propagation de la DNC. Et une « cellule de dialogue »
direct entre experts scientifiques et représentants des éleveurs d’Occitanie a été mise en place, pour étudier de possibles protocoles alternatifs. Une première réunion s’est tenue mercredi (nouvelle fenêtre), et une autre est prévue lundi.
En résumé, la rumeur évoquant un agenda secret derrière les abattages systématiques dans des foyers de DNC, relayée principalement par la sphère souverainiste, ne s’appuie sur aucun élément tangible. Selon une source proche du dossier, il n’a jamais été question de « faire de la place »
à de futures importations en provenance du Mercosur en profitant de la crise sanitaire pour abattre des cheptels. Cette stratégie de « dépeuplement »
est précisément encadrée par le droit européen, circonscrite aux risques sanitaires. Par ailleurs, les accusations portées contre le gouvernement français sont incohérentes, puisque Paris a fait pression pour reporter la signature de ce traité, insatisfait de son contenu.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle fake news vise l’Union européenne. Dès cet été, Florian Philippot accusait déjà Bruxelles de chercher à faire un « carnage »
parmi les élevages français pour faciliter ensuite l’importation de viandes étrangères. À l’époque, il affirmait que l’UE prenait cette fois des « objectifs climatiques »
comme prétexte pour réduire le cheptel tricolore, des accusations déjà sans fondement, comme l’avaient repéré nos confrères du collectif des Surligneurs (nouvelle fenêtre).
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse [email protected]. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.









