Germain s’efforce de ne pas trop y penser. Mais le sentiment de solitude avec lequel le jeune homme de 21 ans compose depuis des années refait toujours surface. Ne serait-ce que voir, sur les réseaux sociaux, des connaissances passer du temps entre amis, « ça [lui] rappelle que [lui, il] ne compte pour pas grand monde », confie le Corrézien. Depuis le passage au lycée – où son orientation en bac pro dans une nouvelle ville l’a éloigné de ses copains du rugby et de sa famille –, ses interactions sociales se sont réduites comme peau de chagrin. La crise due au Covid-19, survenue durant son année de 1re, les a encore un peu plus émoussées.
Aujourd’hui, Germain (qui a souhaité rester anonyme, comme les autres témoins) a « heureusement » une petite copine avec qui partager une partie de sa semaine. Mais aucun ami proche, « et cela pèse ». « J’ai des discussions la journée avec des camarades ou des collègues, mais une fois en week-end ou en vacances, personne ne va prendre de nouvelles. C’est difficile d’avancer comme ça : comment avoir confiance en soi quand personne ne voit de valeur en nous ? », s’interroge-t-il avec gravité. La solitude s’est installée comme un gigantesque éléphant dans la pièce, dont il ne parle habituellement jamais. « Je ne veux pas qu’on me prenne en pitié et qu’on décide de m’inviter à des sorties juste pour cette raison », explique le jeune diplômé d’un BTS.
Pas évident non plus de se confier sur son isolement à un âge associé, dans l’imaginaire collectif, à une période de lien social permanent, de sorties et de fêtes. Mais bien loin de cette image d’Epinal, la solitude est un mal de plus en plus répandu au sein des jeunes générations, dans une société toujours plus atomisée. Les jeunes sont même les premiers à souffrir de cette « épidémie de solitude », comme l’ont appelée, en 2023, des chercheurs et hauts fonctionnaires américains.
En France, 62 % des jeunes de 18-24 ans se sentent régulièrement seuls, selon une étude de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) publiée en janvier 2024. En juin 2023, une étude annuelle de la Fondation Jean Jaurès révélait aussi que, si près de la moitié des Français (46 %) déclarent se sentir seuls, cette proportion culmine à 71 % chez les 18-24 ans. Et pourtant, tandis que cette problématique est plus volontiers attribuée aux personnes âgées (les plus de 65 ans sont 37 % à être concernés, selon l’IFOP), « la plupart des recherches et des politiques sur la solitude ont trop souvent négligé les jeunes », regrette le rapport de la Fondation Jean Jaurès.
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