Quel avenir pour la centrale de Zaporijjia ? Sous contrôle russe depuis le début de la guerre à grande échelle en Ukraine, la centrale nucléaire, située dans le sud du pays, demeure l’une des questions les plus controversées parmi les 20 points énoncés par Volodymyr Zelensky dans le cadre du projet de paix présenté au président américain Donald Trump dimanche 28 décembre en Floride. Voici les principaux enjeux autour de cette installation clé pour les deux belligérants.
Quelles sont les options sur la table ?
Pour l’Ukraine, un accord de cessez-le-feu passe nécessairement par une solution claire concernant la gouvernance de la centrale. Avec ses six réacteurs de 1 000 mégawatts chacun, elle constitue un pilier de la souveraineté énergétique du pays. Cependant, l’installation est occupée par les forces russes depuis mars 2022 et Moscou a annoncé son intention de la connecter à son propre réseau électrique.
Si la quasi-totalité de la communauté internationale considère que la centrale appartient à l’Ukraine, la Russie affirme en être propriétaire à travers une filiale de la société nucléaire publique russe Rosatom.
Selon des sources proches du dossier, les États-Unis auraient proposé une gestion tripartite aux deux belligérants, sous la supervision de Washington. Selon ce scénario, chaque pays détiendrait 33 % du contrôle de la centrale.
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D’après le journal Kommersant, la Russie a également envisagé une exploitation conjointe russo-américaine de la centrale.
Deux options rejetées par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui réclame une exploitation commune américano-ukrainienne, Washington décidant de l’utilisation de 50 % de l’énergie produite. Autre point essentiel aux yeux des Ukrainiens : la démilitarisation complète du site.
À l’issue de sa rencontre avec le président ukrainien, Donald Trump a affirmé dimanche que les négociateurs avaient progressé sur le sort de la centrale, qui pourrait « être relancée presque immédiatement », sans donner plus de précisions.
Un optimisme américain douché lundi par Volodymyr Zelensky lui-même, selon qui la question du fonctionnement de la centrale de Zaporijjia reste un dossier non résolu, tout comme celui des territoires.
Quelle est la situation actuelle ?
Infrastructures détruites par des bombardements, dommages sur ses lignes électriques… La centrale ne produit plus d’électricité en raison du conflit. Tous ses réacteurs sont à l’arrêt depuis avril 2024. Une alimentation électrique constante reste toutefois nécessaire afin d’assurer le refroidissement des combustibles.
L’alimentation électrique de la centrale provient de l’Ukraine. Au cours des quatre dernières années, ces approvisionnements ont été interrompus au moins 11 fois en raison de coupures de lignes électriques, forçant la centrale à recourir à des générateurs diesel d’urgence.
La Russie et l’Ukraine s’accusent mutuellement d’avoir frappé la centrale et coupé les lignes électriques qui y mènent.
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Présente sur place de manière permanente, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) s’inquiète de la fragilité des dispositifs de sécurité dans un contexte de conflit armé. Interrogé par France 24 en novembre, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, indiquait que la situation restait « extrêmement volatile ».
À long terme, le problème de l’insuffisance des ressources en eau pour refroidir les réacteurs reste irrésolu depuis la destruction, en 2023, du barrage hydroélectrique de Kakhovka, qui alimentait la centrale.
Outre les réacteurs, chaque unité dispose de piscines d’entreposage du combustible usé destinées à son refroidissement. Sans apport d’eau, l’eau des piscines s’évapore, la température augmente, ce qui accroît le risque d’incendie.
Pourquoi les deux belligérants veulent son contrôle ?
Capable de produire jusqu’à six gigawatts d’électricité, l’installation représente un atout considérable pour la Russie, non seulement pour alimenter les territoires occupés mais aussi pour affaiblir l’économie déjà chancelante de son voisin.
Selon Oleksandr Kharchenko, directeur du Centre de recherche sur l’énergie à Kiev, Moscou compte aussi utiliser l’énergie produite pour combler un important déficit énergétique dans le sud de la Russie.
Le responsable russe de la centrale a déclaré lundi que l’installation pourrait reprendre la production d’électricité d’ici la mi-2027 si la guerre prenait fin rapidement.
En décembre, le Service fédéral russe de supervision environnementale, technologique et nucléaire a délivré une licence pour l’exploitation du réacteur n° 1, une étape clé vers son redémarrage. Le ministère ukrainien de l’Énergie a qualifié cette initiative d’illégale et d’irresponsable, jugeant qu’elle faisait courir un risque d’accident nucléaire.
Côté ukrainien, le contrôle de la centrale est vital alors que les infrastructures énergétiques du pays sont pilonnées par l’armée russe. Ces derniers mois, Moscou a accru l’ampleur et l’intensité de ses attaques, privant des régions entières d’électricité.
Selon les analystes, le déficit de capacité de production de l’Ukraine s’élève à environ quatre gigawatts, soit l’équivalent de quatre réacteurs de Zaporijjia. Sa remise en service serait donc pour Kiev un élément capital dans la perspective de la reconstruction de son économie.
Cependant, la reprise de la production d’électricité s’annonce longue. Oleksandr Kharchenko estime qu’il faudrait au moins deux à trois ans pour évaluer l’état du site, puis trois années supplémentaires pour restaurer les équipements et relancer l’exploitation à pleine puissance.









