- L’Agence anticorruption ukrainienne (NABU) a accusé ce samedi plusieurs députés d’avoir touché des pots-de-vin.
- Le mois dernier, elle révélait déjà un scandale retentissant, soupçonnant un proche ami de Volodymyr Zelensky d’être impliqué dans un détournement colossal.
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Ukraine : 4ᵉ année de guerre
En une année seulement, les secousses se sont enchaînées : chute du chef de cabinet de Volodymyr Zelensky, mise en cause de députés, limogeage de ministres… L’Agence anticorruption ukrainienne (NABU), une structure indépendante, est à l’origine de plusieurs scandales révélés ces derniers mois dans une Ukraine toujours en guerre.
Cette agence a accusé ce samedi 27 décembre plusieurs députés d’avoir perçu des pots-de-vin en échange (nouvelle fenêtre) de leur vote au Parlement et a tenté de perquisitionner dans des bureaux gouvernementaux à Kiev. Un nouveau scandale révélé juste avant le départ du président Volodymyr Zelensky, pour une rencontre avec son homologue américain Donald Trump en Floride (nouvelle fenêtre) dimanche, au sujet d’un plan de cessez-le-feu.
En novembre, la présidence ukrainienne avait déjà été ébranlée par un vaste scandale de corruption (nouvelle fenêtre) : le détournement présumé de près de 100 millions de dollars dans le secteur énergétique impliquant un proche ami de Volodymyr Zelensky. L’affaire avait poussé à la démission deux ministres et le puissant chef de l’administration présidentielle Andriï Iermak (nouvelle fenêtre), également cité dans ce dossier retentissant, dévoilé par cette agence née il y a une décennie seulement.
Une structure créée dans le sillage de la « révolution du Maïdan »
La genèse de cette structure indépendante du pouvoir exécutif remonte à 2014. À l’époque, la Russie s’oppose à la signature par l’Ukraine d’un accord d’association avec l’UE et contraint son président d’alors, Viktor Ianoukovitch, à y renoncer. Les Ukrainiens sortent dans la rue lors de la « révolution du Maïdan »
, qui provoque la chute du pouvoir en place fin février 2014, remplacé par un gouvernement pro-européen. L’accord d’association avec Bruxelles est finalement acté en mars.
Pour autant, l’Ukraine souffre d’une corruption endémique (nouvelle fenêtre), comme nombre d’autres anciennes républiques soviétiques. Cette année-là, elle était classée à la 142ᵉ place sur 180 de l’Indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International. La Rada, le Parlement ukrainien, vote alors en octobre 2014 une loi sur une Agence anticorruption, indépendante du Parquet général, et la structure est créée par décret en avril 2015. Cette indépendance est cruciale : c’est une condition posée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne pour le rapprochement avec l’UE.
Près de 700 enquêtes en moins d’un an
Plusieurs dispositions assurent cette indépendance de la NABU. Son directeur est sélectionné après appel à candidatures par une commission comprenant des représentants d’organisations internationales, avant d’être ensuite officiellement nommé par le gouvernement. En outre, un conseil de surveillance issu de la société civile est élu chaque année par un vote sur internet.
Le champ de compétence de l’Agence inclut tous les responsables de premier plan de l’État ukrainien, des officiers de haut rang de l’armée aux juges en passant par les députés, ministres, élus régionaux, dirigeants de la Banque centrale et jusqu’au président après la fin de son mandat.
Doté d’un pouvoir d’enquête, le NABU est doublé d’un Parquet spécialisé anticorruption (SAP) qui instruit les dossiers. Selon son site (nouvelle fenêtre), il a ouvert 679 enquêtes sur 11 mois en 2025. Au total, 123 inculpations concernant 279 personnes ont été prononcées sur la même période, ainsi que 81 condamnations concernant 103 personnes. De manière générale, l’Ukraine est remontée en 105ᵉ position dans le dernier classement pour 2024 de l’indice de perception de la corruption, où la Russie figure à la 154ᵉ place.
Zelensky a tenté de remettre en cause son indépendance… avant de reculer
La NABU et le SAP se sont aussi retrouvés au cœur de l’actualité cette année après une tentative des autorités de revenir sur leur fonctionnement. En juillet dernier, le vote d’une loi qui prévoyait de les placer sous la tutelle du procureur général (nouvelle fenêtre), lui-même nommé par le chef de l’État, avait jeté une ombre sur la présidence Zelensky.
Très mal reçue par la société civile, cette tentative avait provoqué les premières manifestations d’ampleur en Ukraine (nouvelle fenêtre) depuis le début de l’invasion russe en 2022. Le président ukrainien a également fait face à une levée de boucliers chez les alliés occidentaux de Kiev. Il a finalement fait marche arrière et promulgué en août une nouvelle loi rétablissant l’indépendance de ces structures.
Ce choix n’a pas pour autant calmé toutes les inquiétudes, alimentées par plusieurs incidents : un des enquêteurs du NABU a été arrêté dans une affaire de collaboration présumée avec la Russie, d’autres membres de l’Agence ont été appréhendés ou ont vu leur domicile perquisitionné… Plus largement, les militants anticorruption se plaignent de faire l’objet de pressions politiques et d’un harcèlement judiciaire visant à entraver leur travail.







