L’administration Trump a demandé vendredi à la Cour suprême des Etats-Unis de l’autoriser à expulser des immigrés en vertu d’une loi d’exception utilisée jusqu’alors uniquement en temps de guerre, un projet contrarié par plusieurs revers judiciaires.
Un juge fédéral, James Boasberg, avait suspendu le 15 mars pour deux semaines toute expulsion fondée exclusivement sur la loi de 1798 sur « les ennemis étrangers » alors qu’environ 200 personnes présentées comme des membres du gang vénézuélien Tren de Aragua étaient en cours de renvoi par avion, sans autre forme de procès, vers le Salvador.
La décision du juge a été confirmée mercredi par une cour d’appel fédérale.
« Ce dossier soulève des questions fondamentales sur qui décide de la manière dont sont conduites des opérations sensibles liées à la sécurité nationale, le président ou le pouvoir judiciaire », fait valoir l’administration du président Donald Trump dans son argumentaire à la Cour suprême.
« La Constitution fournit une réponse claire : le président. La République ne peut pas se permettre un choix différent », ajoute-t-elle, demandant « a minima » à la Cour à majorité conservatrice de bloquer la décision du juge de première instance le temps d’examiner le fond de l’affaire.
La loi de 1798 avait jusqu’alors été utilisée uniquement en temps de guerre, notamment à l’encontre des ressortissants japonais et allemands en territoire américain pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Les nazis ont été mieux traités quant à l’application de la loi sur les ennemis étrangers » dans les années 1940, avait relevé lundi à l’audience en appel l’une des juges, Patricia Millett, soulignant qu’à l’époque « il y avait des instances d’appel avant qu’une personne puisse être expulsée ».
La loi de 1798 a été invoquée dans une déclaration présidentielle publiée le 15 mars pour justifier l’expulsion le jour même vers le Salvador de personnes présentées comme des membres de Tren de Aragua, décrété « organisation terroriste » par Washington en février.
– Mégaprison au Salvador –
« Tant que les décisions (de première instance, NDLR) restent en vigueur, les Etats-Unis ne peuvent pas s’appuyer sur la déclaration présidentielle pour chasser de dangereux membres d’une organisation terroriste étrangère, même s’ils reçoivent des informations selon lesquelles certains membres de Tren de Aragua sont sur le point de commettre des actions de déstabilisation ou d’infiltration », insiste l’administration Trump.
Elle invoque également la « probable » reconduction pour deux semaines de la suspension prononcée par le juge Boasberg, l’influente organisation de défense des droits civiques ACLU, qui défend les personnes visées par ces expulsions, lui ayant demandé de la prolonger jusqu’au 12 avril.
Le président de la Cour suprême, John Roberts, a donné à la partie adverse jusqu’au 1er avril pour répondre à l’administration Trump.
« Nous exhorterons la Cour suprême à préserver le statu quo pour donner aux tribunaux le temps d’examiner le dossier, afin que davantage de personnes ne soient pas expédiées vers une prison étrangère de sinistre réputation sans aucun recours, sur la base d’un usage inédit et illégal d’une législation de temps de guerre », a affirmé dans un communiqué Lee Gelernt, de l’ACLU.
La Maison Blanche a voué aux gémonies le juge, Donald Trump allant la semaine dernière jusqu’à appeler à sa révocation, s’attirant un rare rappel à l’ordre du président de la Cour suprême.
L’administration Trump reproche notamment à ce magistrat d’avoir ordonné, en vain, que les avions ayant déjà décollé rebroussent chemin.
La ministre américaine de la Sécurité intérieure, Kristi Noem, en visite cette semaine au Salvador, s’est rendue dans la mégaprison où sont incarcérés les Vénézuéliens expulsés le 15 mars.
« Le président Trump et moi-même avons un message clair pour les immigrés illégaux criminels : PARTEZ MAINTENANT. Si vous ne partez pas, nous vous traquerons, nous vous arrêterons et vous pourriez échouer dans cette prison salvadorienne », a-t-elle écrit dans une publication sur ses réseaux sociaux accompagnée de photos de l’établissement pénitentiaire.
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