CSTAR – MERCREDI 31 JANVIER À 21 H 10 – FILM
Film d’une autre époque, situé au seuil du numérique et de son infinie plasticité, Total Recall (1990) – adapté de Souvenirs à vendre, une nouvelle de science-fiction de Philip K. Dick publiée en 1966 – n’en est pas moins l’un des premiers films fantastiques à situer son action sur des niveaux de réalité concomitamment divergents.
Séduit par la dualité du récit – qui peut se lire de bout en bout de deux manières différentes –, le réalisateur néerlandais Paul Verhoeven (RoboCop, 1987) en exacerbe tant la violence que la portée politique.
Arnold Schwarzenegger y interprète, dans un futur indéterminé où l’humanité a colonisé le Système solaire, un ouvrier nommé Douglas Quaid, qui rêve d’aller sur la planète Mars sans en avoir les moyens. Il recourt, faute de mieux, à la société Rekall Inc., qui propose à ses clients de leur inséminer de mirobolants souvenirs : il donne son accord pour un contrat de deux semaines de mémoire martienne durant lesquelles il aurait été un agent secret en mission sur cette planète.
Rebondissements à répétition
Tandis que Quaid est anesthésié, le protocole est brutalement interrompu quand les spécialistes s’aperçoivent qu’il est un véritable agent secret, dont la mémoire a été délibérément effacée. Réveillé sans qu’on lui en donne la raison, l’homme va dès lors être incessamment pourchassé et confronté à de sanglantes péripéties qui le mènent, de fait, jusqu’à la Planète rouge, où un consortium, combattu par la résistance locale, exploite sans vergogne les ressources et les populations.
La fascination qui naît de ce film tient à son côté ruban de Möbius, ingénieusement entretenu tout au long de l’intrigue par des rebondissements à répétition. Deux hypothèses, suggérées par le récit lui-même, permettent de comprendre l’intrigue sans que l’une prenne jamais le pas sur l’autre. La première est que le spectacle auquel nous assistons n’est rien d’autre que le programme mémoriel installé par Rekall Inc., dans lequel l’interruption du processus de programmation serait justement le point inaugural de la séquence implantée. La seconde est que Douglas Quaid a bel et bien été réveillé durant l’opération, qu’il est un agent secret du nom de Hauser à la recherche de sa mémoire.
Cette intrigue hélicoïdale, Verhoeven la veut ouverte et opératoire jusqu’au bout, pour mieux se livrer par ailleurs à de multiples torsions à l’orthodoxie du blockbuster. Le film est une réflexion subtile et corrosive sur l’emprise mentale du spectacle hollywoodien, sur l’aliénation consentante qui en résulte.
Jouant de la puissance (Arnold Schwarzenegger) et du charme (Sharon Stone, qui interprète sa femme), Total Recall semble exorciser le devenir synthétique des images, et possiblement du monde, ce moment proche où plus rien ni personne ne pourra déjouer un programme devenu indiscernable. Un film de cinéphile, c’est-à-dire de possédé et de contrebandier.
Total Recall, film de Paul Verhoeven (EU, 1990, 120 min). Avec Arnold Schwarzenegger, Sharon Stone.