En dix ans, Alexis Michalik est devenu l’auteur et metteur en scène le plus en vue du théâtre privé. Ses cinq créations (Le Porteur d’histoire, Le Cercle des illusionnistes, Edmond, Intra Muros, Une histoire d’amour) et son adaptation de la comédie musicale Les Producteurs, de Mel Brooks, ont remporté un indéniable succès public et une flopée de Molières. Pour la plupart, elles se jouent encore à Paris ou en tournée. Inévitablement, sa nouvelle pièce, Passeport, présentée au Théâtre de la Renaissance, à Paris, fait partie des spectacles très attendus de ce début d’année. D’autant que, pour la première fois, Alexis Michalik s’empare d’un sujet éminemment politique : le sort des migrants et des réfugiés.
Passeport, c’est l’histoire d’Issa, un jeune Erythréen devenu amnésique après avoir été violenté dans la « jungle » de Calais. Il ne lui reste que son passeport comme trace de son passé. Avec ses compagnons sans papiers, Arun l’Indien et Ali le Syrien, Issa va entamer un long parcours pour obtenir un titre de séjour. En parallèle – parce que souvent avec Alexis Michalik les pièces sont à tiroirs et les récits s’entremêlent –, il y a aussi l’histoire de Lucas, d’origine comorienne, adopté enfant par un couple de Calaisiens.
Devenu gendarme, il est affecté à la surveillance des camions en partance pour l’Angleterre, afin d’empêcher les migrants de s’y cacher. Lucas va rencontrer Jeanne, énergique journaliste, née en France de parents maliens. Autant de trajectoires pour illustrer les multiples facettes de l’immigration, questionner l’identité, l’intégration et la quête des origines. Noble cause, mais sans doute trop vaste sujet, d’autant qu’il se double d’une intrigue policière et d’un coup de théâtre.
Obsession du rythme
On retrouve dans Passeport le savoir-faire d’Alexis Michalik, fidèle à son obsession du rythme : les sept comédiens et comédiennes endossent avec aisance de multiples personnages ; la fluidité de la mise en scène – agrémentée de projections en fond de scène – permet de passer habilement de la « jungle » calaisienne à Paris, de l’appartement des parents de Lucas à un bar de Calais, d’une gendarmerie à un wagon de TGV, etc. Mais il ne suffit pas de distraire le public pour le convaincre du propos.
A vouloir embrasser de multiples thématiques (la dureté de la vie dans des camps de réfugiés, la complexité des procédures de demande d’asile ou de carte de séjour, la montée du racisme…), en y ajoutant deux histoires d’amour et une dimension documentaire, Passeport se perd dans un mélo politico-sociétal, empesé par un ton trop didactique et des personnages trop stéréotypés.
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