Bruno Crolot a dirigé le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem) entre 2010 et 2015. Aujourd’hui directeur de la musique internationale chez Spotify, leader du streaming musical, il revient sur deux thématiques qui mobilisent les professionnels de la musique au Midem 2024, qui se tient à Cannes (Alpes-Maritimes) jusqu’au samedi 27 janvier : la rémunération des artistes et l’intelligence artificielle.
Un faible nombre d’artistes capte la majorité des revenus générés par le streaming. Pour mieux rémunérer les musiciens et chanteurs, les plates-formes doivent-elles faire évoluer leur modèle économique ?
Les revenus sont de plus en plus importants. De plus en plus d’artistes se voient offrir, grâce au streaming, l’occasion de développer une audience à l’international. Les genres écoutés sont plus nombreux, contrairement aux années CD, où les grands groupes et les artistes internationaux occupaient une position dominante dans les charts. Plus de 200 000 artistes distribués par Spotify génèrent des revenus importants. Ce nombre augmente. On s’aperçoit qu’une classe moyenne d’artistes est en train de se développer.
Il est donc clair que la question de la répartition de cette valeur se pose. C’est légitime. Ne serait-ce que parce qu’on parle d’un modèle économique qui a été mis en place il y a une quinzaine d’années. Il est sain de regarder sur quelle base le secteur de la musique travaille pour s’assurer qu’on va dans le bon sens. Notre mission, c’est de donner à un maximum d’artistes la possibilité de générer des revenus satisfaisants à partir de leur travail.
Comment faites-vous pour mieux rémunérer les artistes chez Spotify ?
Nous avons annoncé des évolutions dans notre mode de répartition des royalties. Toutes les analyses qu’on a pu faire montrent que les titres de musique qui ont moins de 1 000 streams par an génèrent quelques centimes par mois. Or, ces centimes, qui représentent des sommes importantes au niveau mondial, ne sont pas reversés aux artistes, en raison des frais liés aux distributeurs et aux labels. On a donc décidé de ne plus reverser de royalties aux titres qui font moins de 1 000 streams par an.
Nous souhaitons aussi combattre les streams frauduleux. Certains labels ou distributeurs tentent d’utiliser ce système pour générer des revenus. A partir d’une certaine proportion de streams frauduleux, nous allons leur appliquer des pénalités. D’autre part, certains créateurs multiplient les titres de trente et une secondes pour que le nombre de streams soit augmenté artificiellement. A partir de cette année, les titres de white noise (ou bruit blanc) ne seront rémunérés qu’à partir de deux minutes. Ces trois mesures devraient nous permettre d’allouer 1 milliard d’euros de revenus aux artistes qui tentent de faire une carrière dans la musique.
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