Quand il a fondé sa petite entreprise en 1868 à Bombey, Jamsetji Nusserwanji Tata avait quatre rêves : le coton, l’acier, l’hôtellerie et les barrages électriques. Cette ambition démesurée a été largement dépassée, y compris du temps de son vivant. Tata emploie aujourd’hui plus d’un million de personnes dans l’énergie, la chimie, l’automobile, les télécoms, l’hôtellerie, la distribution, le transport aérien, les services informatiques… Les immenses conglomérats, qui ont disparu du paysage occidental, ont encore de beaux restes en Inde.
La destinée de Tata, sorte d’Etat dans l’Etat, épouse l’évolution de son pays. Aussi, son dernier territoire est l’électronique, mère de toutes les batailles du XXIe siècle. Il ambitionne de produire à la fois des téléphones, des logiciels et des puces électroniques. Pour démarrer, plus modestement, il est en train de devenir le principal assembleur des iPhone d’Apple en Inde.
Selon le Times of India, il vient de racheter les parts du sous-traitant taïwanais Pegatron dans une usine dans le sud du pays, après avoir fait de même en 2023 avec l’acquisition de l’usine d’un autre taïwanais, Wistron. Il se pose ainsi en concurrent de Foxconn, le géant, lui aussi de Taïwan, et premier partenaire d’Apple dans le monde, y compris en Inde.
Un métier ingrat
En cinq ans, les exportations de smartphones indiens sont passées de 5 millions de dollars (environ 4,73 millions d’euros) à plus de 8 milliards, selon l’agence Bloomberg. Soit le premier produit exporté vers les Etats-Unis. Tout cela, le pays le doit à la décision d’Apple de basculer une partie de sa production de Chine, vers des pays moins sensibles, comme le Vietnam ou l’Inde. En 2023, la Fédération indienne produisait 12 % des iPhone vendu dans le monde. Ce devrait être 24 % à la fin de cette année.
Le chemin sera long pour Tata. Le métier d’assembleur d’Apple est ingrat avec ses marges minimes, ses exigences de qualité et de timing pour ne pas pénaliser la chaîne de valeur mondiale extraordinairement éclatée. Tout cela dans un pays très éruptif où les émeutes ne sont pas rares, même au sein des usines, comme l’a expérimenté Wistron en 2020. Mais c’est le prix pour remonter la filière de la haute technologie, comme l’a fait la Chine en son temps. Une sorte de passage de témoin, sans que l’on sache si l’Inde saura suivre aussi loin la trace spectaculaire de son encombrant voisin.