L’initiative en dit long sur le climat d’attentisme mais aussi de défiance qui a saisi le ministère des affaires étrangères depuis l’annonce de la dissolution. Dans la perspective d’une éventuelle cohabitation entre Emmanuel Macron et le Rassemblement national (RN), après le second tour des élections législatives, le 7 juillet, une sorte de « pétition anonyme » circule au Quai d’Orsay depuis quelques jours. « Nous ne pouvons nous résoudre à ce qu’une victoire de l’extrême droite vienne affaiblir la France et l’Europe alors que la guerre est là, dit le texte dont Le Monde a obtenu une version. Nos adversaires liront une victoire de l’extrême droite comme un affaiblissement français et une invitation à l’ingérence dans notre politique nationale, à l’agressivité contre l’Europe, y compris militairement, à la vassalisation économique de la France et du continent. »
Si le document témoigne de la fébrilité perceptible au sein du ministère, à moins de dix jours du premier tour du scrutin, il révèle tout autant la prudence qui semble être de mise dans un corps diplomatique par nature au service du gouvernement. La « pétition » chemine dans les services, sans que ni son origine, ni la liste de ses signataires ne soient dévoilées.
De fait, à ce jour, rares sont les diplomates à avoir pris position ouvertement contre l’arrivée au pouvoir de la formation d’extrême droite, susceptible de faire évoluer en profondeur les fondamentaux de la diplomatie française sur des questions essentielles comme la guerre en Ukraine ou les relations avec la Russie.
Le Quai d’Orsay est pourtant sur le qui-vive, comme en témoigne un tract interne diffusé par la branche maison de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) : « Il nous paraît indispensable que notre administration demeure après les législatives en mesure de servir le pays et les citoyens, sans ingérence étrangère et dans le strict cadre de l’Etat de droit et du respect des principes qui, toujours et partout, doivent guider le service public, notamment l’égalité et la neutralité. » « Nous devons être plus que jamais vigilants sur le fait que nul ne puisse être inquiété pour ses convictions politiques et religieuses ni discriminé du fait de ses origines géographiques ou sociales. L’obligation de loyauté ne peut pas être sans limite », prévient la CFTC.
« Personne ne va sortir du bois »
A l’inverse, très rares sont les diplomates à avoir fait part de leur sympathie pour le RN, à l’exception notable de l’ex-ambassadeur en Algérie sous Nicolas Sarkozy puis à nouveau sous Emmanuel Macron, Xavier Driencourt. Cet ancien pilier du ministère des affaires étrangères, aujourd’hui à la retraite, assume au grand jour d’être en contact avec la formation de Marine Le Pen. « En ce moment, personne ne va sortir du bois, c’est tous aux abris », observe une source syndicale soucieuse de rester anonyme. Le souvenir paraît lointain de l’ancien ambassadeur de France au Japon Thierry Dana, lors de la campagne présidentielle de 2017, qui assurait vouloir « renoncer à occuper les fonctions qui [lui] seraient confiées plutôt que de servir la diplomatie du Front national ».
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