Les paramilitaires soudanais se sont emparés dimanche 13 avril, selon leur porte-parole, d’un camp de déplacés au Darfour du Nord, dans l’ouest du Soudan, pays d’Afrique de l’Est dévasté par un conflit qui va entrer dans sa troisième année. « Nous avons pris le contrôle de Zamzam pour protéger les civils et le personnel médical, et nous sommes prêts à accueillir les convois d’aide humanitaire », a déclaré dimanche le porte-parole des Forces de soutien rapide (FSR) dans un communiqué.
Le camp de déplacés Zamzam, qui abrite plus de 500 000 réfugiés selon l’ONU, est l’un des plus grands de la région du désert du Darfour, frontalière du Tchad. Il fait partie des trois grands camps, touchés par la famine selon l’ONU, se trouvant en périphérie de la grande ville d’El-Fasher, où les combats font rage.
Le Soudan, troisième plus vaste pays d’Afrique, est déchiré par la guerre que se livrent depuis deux ans le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, chef de l’armée, et son ancien adjoint Mohammed Hamdan Daglo dit « Hemetti », chef des paramilitaires.
Ce conflit a fait des dizaines de milliers de morts et déraciné plus de 12 millions d’habitants pour lesquels le pape François a intercédé durant la prière de l’Angélus dimanche. C’est la pire crise humanitaire récente, selon l’ONU et l’Union africaine. L’armée contrôle le nord et l’est du Soudan, tandis que les FSR dominent une partie du sud et la quasi-totalité de la vaste région du Darfour, dans l’ouest du pays. Les deux camps sont accusés d’atrocités et leurs dirigeants sous le coup de sanctions américaines.
La bataille d’El-Fasher
Après la reprise par l’armée de la capitale Khartoum en mars, les FSR ont intensifié les combats en direction d’El-Fasher qu’ils assiègent depuis mai 2024. Cette ville de quelque 2 millions d’habitants est la dernière capitale provinciale du Darfour encore tenue par l’armée.
Depuis vendredi, les FSR ont lancé des opérations terrestres et aériennes sur El-Fasher et les camps de déplacés voisins, Zamzam et Abou Chouk. Samedi, l’ONU avait indiqué craindre plus de 100 morts dans ces attaques.
Dimanche, le gouverneur du Darfour et chef du mouvement de l’Armée de libération du Soudan (ALS-MM), Mini Minawi, dont les forces combattent les FSR avec l’armée, a déclaré que, depuis vendredi, « 450 personnes ont été tuées à El-Fasher et ses environs » par les paramilitaires. Le bilan de l’armée n’a pas pu être vérifié par l’Agence France-Presse (AFP). Vendredi, des militants locaux ont fait état de 25 morts à Zamzam et de 32 à El-Fasher, tandis que l’armée a rapporté respectivement 74 et 17 victimes. La situation dans le camp de Zamzam reste difficile à évaluer en raison de problèmes de communication et d’Internet.
Dimanche, à l’est d’El-Fasher, au moins 56 civils ont été tués en deux jours lors d’attaques attribuées aux paramilitaires dans la ville d’Um Kadadah, reprise par l’armée jeudi, selon des bénévoles locaux coordonnant l’aide. Parmi les victimes, figure le directeur de l’hôpital de la ville. « Des milliers de personnes fuient le camp de déplacés Zamzam », ont rapporté dimanche des témoins à l’AFP.
« Nous vivons sous un arbre »
Pour Amani Al-Tayeb Daoud, qui a fui Zamzam avec son mari et cinq de ses enfants, ce n’est pas la première fois qu’elle est contrainte de se déplacer. « En mars, nous avons fui d’El-Fasher vers Zamzam par peur de la persécution, mais les bombardements et les attaques ont frappé Zamzam aussi », a-t-elle raconté.
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Après trois jours de marche, elle et sa famille sont arrivées dans la ville de Tawila à 80 kilomètres plus à l’ouest. Abdallah Adam a lui aussi dû marcher trois jours. « Nous avons fui les bombardements et la faim après avoir manqué de nourriture. Maintenant, nous vivons sous un arbre », dit-il à l’AFP.
L’Arabie saoudite a « fermement condamné » les attaques sur les camps de déplacés, dans un communiqué publié dimanche avant la prise de Zamzam. En janvier, Washington a formellement accusé les FSR de « génocide » au Darfour, région de désert, frontalière du Tchad et aussi vaste que la France. Mercredi, le chef de la diplomatie saoudienne avait appelé, aux côtés de son homologue américain, à la reprise des négociations entre les deux parties.