La demande de suspension pour trois mois de la plateforme Shein en France, réclamée par l’Etat en raison des produits illicites qu’elle vendait, est mise en délibéré jusqu’au 19 décembre, a fait savoir vendredi 5 décembre le tribunal judiciaire de Paris.
Shein, via ses avocats, a considéré que l’action était « hors sujet » et « irrecevable car la plateforme a déjà retiré tous les produits issus des vendeurs tiers [“marketplace”] » ainsi que ses propres produits hors habillement, dès la découverte fin octobre des poupées sexuelles d’apparence enfantine et d’armes de catégorie A.
Si le blocage total du site apparaît « disproportionné » aux yeux du parquet – étant donné que les produits incriminés ont été retirés –, l’avocat de l’Etat a assoupli sa copie en proposant de maintenir la suspension de la « marketplace » de Shein jusqu’à la mise en place d’un certain nombre de mesures pour éviter la répétition de la vente des objets posant problème.
L’Etat ne veut pas « interdire » Shein de « faire du commerce » mais réclame un « cadre contraignant pour s’assurer qu’(…) on ne trouvera plus des poupées sexuelles d’1,20 m avec des visages de fillette de 10 ans et des orifices sexuels (…) ou des machettes à double lame », a notamment plaidé l’avocat de l’Etat, Renaud Le Gunehec.
La vente de « dizaines » de poupées (quatre selon Shein) en forme de « gamines ultra-réalistes », parfois avec « un nounours », n’était « pas un accident » mais « une offre massive ouvertement pédophile », a estimé Me Le Gunehec lors de cette audience, initialement prévue le 26 novembre mais renvoyée sur demande de l’Etat.
Pression de la Commission européenne
Le gouvernement base sa demande sur l’article 6-3 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique, selon lequel le tribunal judiciaire peut prescrire toutes les mesures propres à prévenir ou faire cesser un dommage occasionné par un contenu en ligne. L’entreprise fondée en Chine en 2012 et basée désormais à Singapour, via ses avocats Julia Bombardier et Kami Haeri, estime que ce fondement juridique n’est pas applicable.
Les fournisseurs d’accès à Internet (Bouygues, Free, Orange, SFR) étaient également assignés afin de garantir in fine le blocage potentiel de Shein. Ils ont notamment relevé le flou de l’Etat quant aux domaines Internet qui devaient être bloqués et ont dit être incompétents pour bloquer l’application mobile Shein le cas échéant.
Lors de l’audience du 26 novembre, le parquet de Paris avait déjà fait savoir qu’il ne s’associerait pas à la demande de blocage du site Shein. La semaine dernière, avant le renvoi de l’audience, sa représentante avait estimé qu’un blocage pour trois mois était « disproportionné au regard de la jurisprudence de la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme], sous réserve de la justification à l’audience [de vendredi] de la cessation effective de toute vente illicite ».
Outre cette procédure, la Commission européenne a annoncé le 26 novembre avoir réclamé des informations à la société Shein après la découverte de la vente de poupées sexuelles d’apparence enfantine et d’armes de catégorie A sur le site de l’entreprise. « Après la vente de produits illégaux en France et plusieurs rapports publics, la Commission soupçonne que la plateforme de Shein puisse présenter un risque systémique pour les consommateurs dans toute l’Union européenne », et a adressé une série de demandes détaillées au groupe, a précisé l’exécutif européen.













