Casquette couleur crème, pantalon serré et sneakers, Roberto Alagna s’est engouffré, jeudi 5 décembre 2024, dans l’entrée des artistes du Grand Théâtre de Genève. Le ténor franco-italien et sa femme, la soprano polonaise Aleksandra Kurzak, incarnent en effet les amants tragiques de la Fedora, d’Umberto Giordano (1867-1948), nouvelle production qui clôt l’année civile lyrique genevoise. Un chef-d’œuvre du répertoire vériste, connu pour sa grande exigence vocale et la puissance de son engagement dramatique. « Dans quelques dizaines de minutes, je rejoindrai le plateau pour la répétition, et mon cœur se mettra à battre plus vite, et j’aurai le trac et je devrai combattre le doute », lâche le chanteur au débotté.
Nulle coquetterie ou fausse modestie dans ces propos : après presque quarante ans d’une carrière au sommet, Roberto Alagna est resté, malgré une réputation qui lui a parfois fait de l’ombre (ses foucades, son franc-parler, sa vie privée dans les médias, la tribune en soutien à Gérard Depardieu, accusé de viol, qu’il a signée, en décembre 2023, avant de se rétracter), un homme que la musique bouleverse et oblige. « On a souvent donné de moi une image erronée », plaide celui qui est devenu, lance-t-il en plaisantant, « une sorte de légende urbaine ». Et de poursuivre : « Certains ont pu voir dans ma timidité de l’arrogance. Mais les gens qui m’ont fréquenté m’ont bien aimé. J’ai toujours fait des duos, pas des duels. C’est vrai que je suis sanguin, mais je n’ai pas mauvais caractère, même si je me sens parfois un peu justicier », confie celui qui a été à l’origine de la résurrection du Cyrano de Bergerac de Franco Alfano (1875-1954), à qui il a rendu son panache et sa version originale, sans les coupures instaurées par l’usage, ce dont témoigne un DVD capté en 2003, paru deux ans plus tard chez Deutsche Grammophon.
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