Depuis 2016, les supermarchés ont l’obligation de donner leurs invendus à des associations.
Mais ces dons alimentaires baissent en qualité ou sont très rapidement périmés.
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Le 13H
Des fruits moisis ou écrasés, des mouchoirs usagés dans les cagettes… pour Béatrice Gaudard, bénévole dans une association d’aide alimentaire dans l’Isère, les dons des supermarchés des alentours sont parfois de vrais cadeaux empoisonnés. Depuis quelques années, son association constate que la qualité des aliments donnés s’est largement dégradée.
« Regardez », lance-t-elle en montrant une barquette de framboises où plusieurs fruits sont déjà visiblement mangés par la moisissure. Est-ce qu’on peut faire des confitures avec ça ? Je ne pense pas. Ça, ça part à la poubelle », souligne-t-elle. Dans certaines palettes, elle retrouve même les gants en plastique des employés. « Il y a des cafés aussi, des gobelets, des masques… Il faut un minimum de respect pour nous quand même. On n’est pas une poubelle ! », insiste la bénévole.
Des surcoûts pour les associations
Même sentiment chez les bénévoles de la Banque alimentaire du Rhône. Dans le hangar où sont réceptionnés les produits frais en provenance des supermarchés, les produits dont la date de péremption est prévue pour le jour même se multiplient. Si cela est légal , c’est un vrai casse-tête pour l’association, obligée de redistribuer les aliments en urgence, au risque de les jeter. « Je jette deux tonnes de produits par semaine qui sont dus à ce genre de produits et je paye le prestataire qui s’occupe de ces déchets. Ce sont des surcoûts pour nous. Association, je rappelle », rappelle Alice Dehan, directrice de cette locale de la Banque alimentaire.
À l’inverse, pour les supermarchés , ces dons permettent d’engager moins de frais de poubelle. Moins d’employés sont payés à faire le tri, et en bonus, les dons sont défiscalisés. « Donc l’idée peut être pour certains opérateurs de comptabiliser ça du bon côté de la balance fiscale en disant ‘je fais un don’, plutôt que de mettre du mauvais côté comptable en disant ‘j’ai un déchet, donc une perte' », pointe Mathias Tinchant, directeur adjoint de la direction départementale de la protection des populations du Rhône. Pour éviter ces situations, les services de l’État réalisent régulièrement des contrôles dans les grandes surfaces.
De leur côté, les supermarchés reconnaissent que les dons aux associations ont baissé. La faute notamment aux bacs anti-gaspillage mis en place dans les magasins , dans lesquels sont proposés, soldés, les produits sur le point de périmer. « La priorité, malheureusement, aujourd’hui, c’est pour les clients. Aujourd’hui, les consommateurs plébiscitent ce type de produits », souligne Nicolas Vigié, responsable commerce alimentaire dans un magasin.
Depuis 2016, différentes lois ont successivement obligé les grands distributeurs puis les industriels à donner leurs invendus plutôt que de les détruire. Une manière de lutter contre le gaspillage alimentaire alors que l’Ademe rappelle que chaque Français continue de jeter 30 kg de produits alimentaires par an. En 2022, ce sont 4 millions de tonnes d’aliments comestibles qui ont été jetés, soit près de la moitié des déchets alimentaires totaux.