Près d’un an pour arriver à cette signature. Un an depuis l’échec de la rencontre de Luanda en Angola où les deux chefs d’État devaient déjà s’engager sur une déclaration commune. Désormais, il faut essayer de matérialiser ces accords de Washington sur le terrain, rapporte notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi.
La désescalade militaire n’est pas encore une réalité. Pour preuve, de violents affrontements ont été signalés ces derniers jours dans la province du Sud-Kivu. Affrontements qui ont une nouvelle fois provoqué des mouvements de populations.
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Mais dans les textes signés, il n’y a pas de mécanisme contraignant. Par exemple, il n’y a pas de sanction prévue en cas de non-respect des engagements et les deux pays conditionnent encore l’application de ces accords à des préalables : la neutralisation des FDLR côté Kigali et le retrait des troupes rwandaises de RDC côté Kinshasa. « Nous sommes vigilants, mais pas pessimistes », a néanmoins déclaré le président congolais alors que son homologue rwandais a prévenu : « si cet accord venait à échouer, ce serait de notre faute. C’est à nous, l’Afrique de travailler pour consolider cette paix ».
Trois types d’accords signés
Il n’y a pas eu pas d’accolade, pas de poignée de main entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Mais les deux hommes ont signé trois types accords à Washington qui forment l’architecture complète du processus. Pour bien les comprendre, il faut imaginer trois étages. Le premier étage, c’est l’accord de paix. Il reprend les textes déjà paraphés ces derniers mois. Son objectif, c’est Donald Trump lui-même qui l’a rappelé est de « mettre fin à l’un des conflits les plus anciens au monde ».
Selon lui, ce paquet sécuritaire inclut un cessez-le-feu permanent, le désarmement des forces non étatiques et des dispositions pour permettre aux réfugiés de rentrer chez eux. C’est la brique politique et militaire : celle qui doit mettre fin à la guerre entre la RDC et le Rwanda.
« Tout le monde va gagner beaucoup d’argent »
La deuxième étage, c’est le cadre d’intégration économique. Il s’agit du cœur économique du processus. L’idée est d’ouvrir, selon les mots de Donald Trump, « une nouvelle ère d’harmonie et de coopération » entre Kinshasa et Kigali, en s’attaquant à ce qui alimente le conflit depuis des décennies : l’opacité des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques. Ce cadre vise donc à réorganiser ces chaînes de valeur de manière transparente, formelle et contrôlée.
Le troisième étage est quant à lui composé par les accords bilatéraux. Il y en a deux : un entre Kinshasa et Washington, et un autre entre Kigali et Washington. Donald Trump a résumé leur logique ainsi : « Il y a une richesse immense dans cette terre magnifique. »
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Ces accords doivent ouvrir de nouvelles opportunités pour les États-Unis afin d’accéder aux minerais critiques. Le président américain a promis d’envoyer, « de grandes entreprises américaines dans les deux pays. Nous allons extraire certaines des terres rares… et payer. Tout le monde va gagner beaucoup d’argent » a-t-il déclaré. Ces partenariats concerneront aussi l’énergie, les transports et d’autres secteurs stratégiques.
Un processus long
Le chemin vers une sortie de crise durable reste long. Car si trois types d’accords ont été signés, il y a aussi trois types de temporalité dans leur mise en œuvre. La première d’entre elles est celle des accords bilatéraux qui n’ont pas attendu leur signature officielle pour commencer à produire des effets. Dans le secteur minier, par exemple, Kigali et Washington ont déjà beaucoup avancé cette année sur l’exportation du tungstène. Même chose entre Washington et Kinshasa, qui ont progressé dans le processus d’acquisition d’un important gisement de lithium, ainsi que dans l’exploration de certaines zones du Katanga.
La deuxième temporalité est celle du cadre d’intégration économique régionale. Ici, la problématique est différente car même si un premier sommet d’évaluation est prévu dans les six mois suivant la signature, l’application réelle du cadre attendra parce que ses dispositions ne prendront effet qu’après la bonne exécution du concept d’opération, c’est-à-dire la neutralisation des FDLR, le désengagement des forces et la levée des « mesures défensives » du Rwanda. En clair, l’économie ne pourra avancer qu’après des avancées concrètes sur le volet sécuritaire.
C’est là qu’intervient la troisième temporalité, celle de l’évolution des échanges entre Kinshasa et Kigali, sous médiation américaine, pour harmoniser leurs attentes.
Une question centrale reste entière : les deux pays mèneront-ils ensemble des opérations contre les FDLR ? Et surtout, quand ? On peut même ajouter une quatrième temporalité : celle des discussions entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha. À ce jour, on ne sait toujours pas quand les deux parties signeront l’accord de paix définitif.
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