samedi, mai 4
Anna (Veerle Baetens) dans « Quitter la nuit », de Delphine Girard.

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Le premier quart d’heure de Quitter la nuit, beau titre du premier long-métrage de Delphine Girard, est un prodigieux thriller avec ce qu’il faut de mystère et de suspense : il est tout simplement tiré du court-métrage multiprimé de la jeune réalisatrice belge, Une sœur (2018), nommé aux Oscars en 2020. La première image nous plonge sur l’asphalte d’une route éclairée par des phares. Une voiture qui file la nuit, un homme et une femme, et pas un mot entre eux. Il conduit, le regard fixe, elle finit par dire qu’elle doit appeler sa sœur, laquelle garde sa fille et a cherché à la joindre plusieurs fois. La caméra se place derrière les deux trentenaires et laisse tout l’espace au dialogue qui s’installe. L’homme finit par s’impatienter : « A qui tu parles ? »

A l’autre bout du fil, une opératrice de la police. On la découvre à son bureau, situé en haut d’une tour, dans un open space où des agents prennent les appels d’urgence. D’abord, elle ne saisit pas. Qui est cette femme qui demande des nouvelles de sa petite, et lui dit qu’elle ne va pas tarder à rentrer ? « Est-ce que vous êtes libre de parler ? » « Non. » S’ensuit une course contre la montre durant laquelle l’opératrice, Anna (Veerle Baetens), tente, avec ses collègues, de situer géographiquement le véhicule, puis envoie la police cueillir le conducteur. A la vue du gyrophare, celui-ci comprend qu’il est cuit et se rend.

Jeu magnétique

Ce récit millimétré est inspiré d’une histoire réelle qui s’est passée aux Etats-Unis, la réalisatrice l’ayant découverte grâce à un appel enregistré sur YouTube. Quitter la nuit est une extension du court-métrage, le film scrutant les jours, les semaines et les mois qui suivent cette soirée, jusqu’au procès pour viol. A l’origine, Aly (Selma Alaoui) rencontre Dary (Guillaume Duhesme), pompier de profession, lors d’une soirée dans un café. Ils se plaisent, décident d’aller ailleurs, prennent la route, continuent de boire. Puis la situation dégénère et Dary contraint Aly à un rapport sexuel.

Ce viol, on le découvrira véritablement plus tard, comme un flash qui revient. La cinéaste laisse du temps aux personnages pour se révéler, prendre conscience des actes, et du sol qui se dérobe sous leurs pieds.

La densité des premières minutes cède la place au récit d’un quotidien plombé par la gueule de bois. Aly va-t-elle porter plainte, sera-t-elle crue ? Le film sonde les états d’âme de la victime et de l’agresseur, mais aussi de la fonctionnaire de police. Anna ne peut pas se contenter d’avoir « sauvé » à distance la jeune femme, grâce à son intelligence de la situation. Elle veut savoir ce qu’elle devient, se met à enquêter discrètement, débordant du cadre de sa mission.

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