Nous avons tous fait l’expérience de nous parler à nous-mêmes sans verbaliser.
Ce dialogue intérieur, souvent inconscient et parfois envahissant, peut nous tourmenter, surtout au moment du coucher.
Soyez rassuré, vous n’êtes pas fou. Le fait de se parler à soi-même s’appelle l’endophasie, c’est la petite voix intérieure.
Issu du grec « phasie », qui signifie langage, et « endo » qui veut dire à l’intérieur, le terme endophasie désigne la faculté de parler dans sa tête. Ce terme a été inventé en 1892 par un médecin et philosophe français, Georges Saint-Paul. Mais en réalité, Platon en parlait déjà de manière très poétique en définissant la pensée comme « le dialogue intérieur et silencieux de l’âme avec elle-même ».
En langage simplifié, l’endophasie, c’est le monologue intérieur ou le dialogue intérieur. Elle peut prendre plusieurs formes. Cela peut être un « tiens, je vais faire ça et puis ça« , comme une manière d’organiser intérieurement sa journée. L’endophasie peut nous faire revivre des conversations, rejouer une scène ou bien anticiper une future discussion. Elle peut se manifester par des bribes de phrases, des mots. C’est aussi la voix que l’on entend parfois dans sa tête lorsqu’on lit un roman, par exemple. Dans ce cas, on parle de subvocalisation. Cette voix intérieure peut être discrète et rassurante, mais aussi bruyante et omniprésente.
Des chercheurs américains se sont intéressés à ce phénomène et ont constaté que l’on passe un quart de sa vie éveillée à parler dans sa tête. Et puis, parfois, c’est le silence. En effet, tout le monde n’a pas de voix intérieure. Le fait de ne pas avoir de voix ni d’image dans sa tête s’appelle l’aphantasie. C’est l’incapacité à visualiser, mais aussi à entendre la voix ou à reconstituer l’odeur d’un parfum.
D’où vient la voix intérieure ?
Le chercheur en linguistique Mark Scott s’est penché sur l’endophasie pour chercher une explication à cette manifestation intérieure. Il explique que ce phénomène est causé par « une décharge corollaire« . Il précise qu’il s’agit d’une prédiction du son de la voix généré par le système moteur. C’est « une copie d’un message du système nerveux transmise à d’autres parties du cerveau, afin de nous rendre conscients que nous effectuons quelque chose », explique le professeur Christopher Pack, neuroscientifique à l’Université McGill, au Canada dans une étude sur la perception des signaux cérébraux sonores par le cerveau des schizophrènes. Quand nous nous apprêtons à réaliser une action, l’aire motrice de notre cerveau envoie un message chargé de nous faire prendre conscience de cette action. Le cerveau prédit le son de notre propre voix et c’est cette copie du son que nous prenons pour la voix intérieure.
Peut-on contrôler cette petite voix interne ?
Pour la linguiste et chercheuse au CNRS Hélène Loevenbruck, interrogée par l’Humanité, « la fonction première de l’endophasie, c’est le contrôle efficace et fluide de la parole à voix haute ». Contrôler et prendre soin de cette petite voix permet de ne pas tomber dans les perturbations du mental. Cela permet de clarifier la pensée, de se motiver, de se rassurer ou de mémoriser. En revanche, lorsque cette voix est omniprésente, bruyante et qu’elle nous embarque dans un tourbillon de rumination ou d’angoisse, elle peut mettre le système nerveux à rude épreuve. Dans ces cas-là, il est peut-être nécessaire de consulter un spécialiste.