« Comment aurais-je pu espérer ? » se demande Cioran, à qui le très précoce sentiment de vacuité des choses a fait perdre définitivement sa propension à croire et à espérer. Sa lucidité, vécue comme une malédiction, est l’épicentre d’une philosophie de l’anxiété et l’amène naturellement à condamner le fait d’espérer, « cette monstrueuse faculté humaine ».
Espérer, c’est se tromper en croyant que l’avenir est une amélioration du présent, c’est contredire une vérité, c’est « démentir l’avenir ». Mais Cioran, dans ses Syllogismes de l’amertume (1952), est loin de renouer avec l’acte philosophique classique du sage qui ne veut rien espérer ni attendre. Car sa philosophie est celle du pire.
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C’est moins l’espoir que le désespoir qui peut donner un aperçu fidèle du futur. Le problème est alors celui de l’action, à laquelle sa philosophie non systématique n’a pas directement vocation à répondre. Car l’espoir n’est-il pas toujours le moteur de nos actions ? Or, pour Cioran, il n’y a plus rien à espérer car l’Univers est l’œuvre d’un mauvais démiurge.
Le penseur critique des nouvelles formes d’illusions
Et, dans ce monde raté, toute entreprise humaine se retourne inexorablement contre ses auteurs. Agir pour faire le bien reste la meilleure manière de faire le mal, auquel mènent, qu’on le veuille ou non, toutes nos initiatives. Ce principe pessimiste est simultanément provocateur. Cioran est moins le […] Lire la suite