Kamala Harris n’y arrive pas. A moins qu’elle ne le veuille pas. Est-ce une affaire de loyauté, ou d’embarras ? De reconnaissance, ou de calcul ? Alors que s’approche le plus grand rendez-vous de sa vie, le 5 novembre, jour de l’élection présidentielle américaine, la candidate démocrate ne parvient pas à marquer sa différence par rapport à Joe Biden. La question revient pourtant à chaque entretien. Elle est légitime, mais Kamala Harris l’élude, en prenant le risque d’apparaître comme une simple héritière, moins expérimentée, sans projet autonome. « Rien ne me vient à l’esprit », a répondu la candidate sur la chaîne ABC, le 8 octobre, lorsqu’on lui a demandé de citer une chose qu’elle aurait faite différemment, depuis quatre ans.
En campagne, on ne l’a pas entendue, pour autant, revendiquer les succès de l’administration, les 16 millions d’emplois créés ou encore les investissements massifs dans les infrastructures. Rien. Pas de rôle accordé non plus à Joe Biden dans les meetings ni de prestations communes. Le président est devenu un handicap, estime l’entourage de Kamala Harris, mais sans assumer de rupture.
La gaffe de Joe Biden, le 29 octobre, en témoigne. Tandis que la vice-présidente lançait un appel solennel à la fin du chaos et des divisions de l’ère Trump, lors d’un meeting à l’Ellipse, devant la Maison Blanche, le président participait à une téléconférence sur le vote latino. Interrogé sur les dérapages racistes d’un humoriste concernant les Portoricains lors de la soirée autour de Donald Trump à New York, le 27 octobre, Joe Biden assimilait les partisans de son prédécesseur à des « ordures ».
Malgré la correction rapide de la Maison Blanche, ce parasitage du récit porté par Kamala Harris n’a fait qu’accentuer la tension ambiante. Mercredi 30 octobre, dans la matinée, la candidate démocrate a laissé paraître son irritation. « Je suis en fort désaccord avec le fait de critiquer des personnes en fonction de leur vote », a-t-elle dit.
« Nouvelle génération de leadership »
Après son entrée inattendue dans la course, fin juillet, la vice-présidente avait commencé par un hommage à la fois sincère et convenu au vétéran démocrate, âgé de 81 ans. « Vos résultats sont extraordinaires, comme l’histoire le montrera, et votre personnalité est inspirante », disait Kamala Harris à l’adresse du président, au moment de son discours d’investiture à Chicago, le 23 août.
Lors du débat télévisé face à Donald Trump, le 10 septembre, la candidate s’est essayée du bout des lèvres au contraste : « Clairement, je ne suis pas Joe Biden, et je ne suis certainement pas Donald Trump. Et ce que je propose est une nouvelle génération de leadership pour notre pays. Qui croit à ce qui est possible, qui propose une forme d’optimisme à propos de ce qu’on peut faire, au lieu de toujours dénigrer les Américains. » Une formulation à la fois vague et fondée sur le rejet de Donald Trump. Interrogée de nouveau sur ce point par la chaîne Fox News, le 16 octobre, Kamala Harris a promis que sa présidence « ne sera[it] pas une continuation » de l’administration actuelle. Encore une réponse par la négative.
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