La France s’est engagée à mettre un terme, d’ici à 2030, à la disparition des espèces menacées connues sur son territoire. Aujourd’hui, pourtant, moins de la moitié d’entre elles sont couvertes par un arrêté de protection, le principal outil réglementaire permettant d’éviter leur destruction. Tel est le résultat de l’analyse détaillée que publie, jeudi 13 juin, le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Pour la première fois, l’UICN a croisé deux bases de données : la Liste rouge des espèces menacées en France, qui évalue le risque d’extinction de la faune et de la flore, et l’Inventaire national du patrimoine naturel sur le statut de protection. Les arrêtés de protection définissent, pour chaque espèce concernée, une série d’interdictions telles que la destruction d’individus ou de nids, la collecte de plantes, la vente de spécimens ou la dégradation d’habitats.
Ce croisement révèle que plus de 56 % des 2 857 espèces menacées d’extinction, soit 1 610 espèces, ne sont inscrites dans aucun arrêté. « Nous entendons souvent dire qu’il existe trop de mesures de protection de la biodiversité et qu’il y a un besoin de simplification de la réglementation, souligne Florian Kirchner, responsable du programme espèces du comité français de l’UICN, qui a coordonné cette analyse. Or, à l’inverse, nous faisons le constat qu’il y a des lacunes très importantes et que, au niveau de la protection, la France n’y est pas. Protéger des espèces crée des obligations mais, si nous n’agissons pas, nous risquons de voir des animaux et des végétaux disparaître. »
Des arrêtés trop anciens
Le niveau de protection est très variable selon les groupes. Les 18 espèces d’amphibiens menacées et la quasi-totalité des espèces de mammifères et de reptiles bénéficient d’un arrêté. Sur les 319 espèces d’oiseaux, 282 sont couvertes. La proportion s’inverse en revanche totalement pour les poissons, les invertébrés ou les plantes. Si la pêche de certains requins et raies est interdite, aucune des 11 espèces menacées n’est protégée par un arrêté. De même, seulement 3 espèces de crustacés menacées (sur 171), 9 de poissons osseux (sur 98), 15 d’insectes (sur 92) ou 93 de fougères et plantes alliées (sur 288) sont couvertes. La disparité est aussi géographique, la Guadeloupe, la Martinique ou la Polynésie française comptant une très petite proportion d’espèces figurant dans un arrêté.
Ces divergences s’expliquent notamment par un manque d’attention porté à certains végétaux et animaux. « Des espèces, telles que les animaux marins, les mollusques, les araignées ou les plantes, sont beaucoup moins étudiées que d’autres. Le retard des politiques publiques est aussi lié à ce retard de connaissances », note Florian Kirchner. La première liste rouge des araignées de métropole n’a par exemple été publiée qu’en avril 2023, et celle sur les champignons qu’en avril 2024.
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