La Chine a annoncé jeudi 9 octobre, avec effet immédiat, de nouveaux contrôles sur les exportations de technologies liées aux terres rares, renforçant sa réglementation dans ce secteur au cœur de tensions avec Washington, mais aussi Bruxelles. Le géant asiatique est le premier producteur mondial de ces matériaux essentiels pour le numérique, l’automobile, l’énergie ou encore l’armement.
À l’approche d’une rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping qui doit avoir lieu dans les prochaines semaines, la Chine renforce ses contrôles sur les exportations de terres rares. Ces minéraux, essentiels à de nombreuses technologies de pointe, sont au cœur des négociations entre Washington et Pékin. Il n’y aura pas de « deal » entre les États-Unis et la Chine sur les droits de douane qui ne comporte pas une clause sur les terres rares. Pékin en est parfaitement conscient alors que la Chine a investi depuis des années dans l’extraction et le raffinage de ces minéraux essentiels à la transition verte ou la Défense, au point de contrôler 90 % des réserves mondiales. L’accord temporaire entre les deux pays sur les droits de douane prévoit d’ailleurs explicitement que la Chine reprenne les exportations de terres rares vers les États-Unis.
Garantir l’accès à ces matériaux stratégiques est depuis devenu la priorité des responsables américains lors des pourparlers avec leurs homologues chinois. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, s’était dit en juin convaincu que les inquiétudes sur l’accès aux terres rares seraient « résolues ».
À moins d’un mois de la date d’expiration de cet accord, Pékin a visiblement décidé de rappeler au monde qu’elle a les cartes en main. Les nouvelles instructions publiées sur le site du ministère chinois du Commerce ne se limitent plus aux seules exportations de terres rares, désormais suspendues à l’obtention d’une licence. Depuis avril, la Chine avait déjà instauré un système de licences pour certaines exportations de ces terres rares, une décision qui a provoqué des remous dans plusieurs de ces filières à l’échelle mondiale.
De nouveaux contrôles annoncés
Les nouveaux contrôles annoncés jeudi concernent désormais l’exportation des technologies liées à l’extraction et la production de ces matériaux, a indiqué le ministère du Commerce dans un communiqué. Cette nouvelle réglementation, qui s’applique de manière immédiate, concerne les technologies utilisées pour « l’assemblage, le réglage, la maintenance, la réparation et la mise à niveau des lignes de production », a-t-il ajouté.
Des restrictions extra-territoriales seront également imposées à des entités exportant des articles produits à partir de terres rares chinoises ou de technologies chinoises liées aux terres rares, a précisé le ministère dans un communiqué distinct. Concrètement, les exportateurs étrangers devront obtenir une autorisation préalable avant expédition, mais toute demande d’exportation destinée à des clients militaires étrangers se verra systématiquement refusée, a-t-il souligné.
« Depuis quelque temps, certaines organisations et individus étrangers ont transféré ou fourni des articles contrôlés de terres rares d’origine chinoise, directement ou après transformation (…) pour une utilisation directe ou indirecte dans des domaines sensibles tels que le militaire », a déclaré un porte-parole du ministère du Commerce afin de justifier ces mesures. Cette pratique a « porté gravement atteinte ou constitué une menace potentielle pour la sécurité nationale et les intérêts de la Chine », a-t-il affirmé.
Un secteur dominé par la Chine
La Chine domine l’extraction et le raffinage des terres rares, ce qui lui confère un avantage considérable dans un contexte de tensions commerciales avec les États-Unis. Dans un bilan de 2024, l’US Geological Survey évaluait à 110 millions de tonnes les réserves mondiales, dont plus du tiers, 44 millions de tonnes, situées en Chine. Depuis des décennies, la Chine investit massivement dans le secteur, aidée par une réglementation environnementale plus souple que dans d’autres pays. Elle a également déposé un nombre considérable de brevets liés à la production de terres rares.
Cela constitue un obstacle majeur pour les entreprises étrangères souhaitant lancer à grande échelle leurs propres activités de transformation. « Le Moyen-Orient a du pétrole. La Chine a des terres rares », avait déclaré en 1992 Deng Xiaoping, alors dirigeant chinois. De nombreuses firmes étrangères préfèrent ainsi expédier leurs terres rares en Chine pour les faire raffiner, ce qui renforce la dépendance mondiale à l’égard de l’industrie chinoise.
Des perturbations importantes dans les industries mondiales
Les restrictions imposées cette année par Pékin ont provoqué des perturbations importantes dans les industries mondiales, certaines entreprises étant contraintes de suspendre leur production face à la pénurie de ces minéraux stratégiques. Les terres rares constituent également un sujet sensible entre Pékin et le Vieux continent. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait fait état en juillet d’un accord avec la Chine sur un mécanisme d’exportations « amélioré » pour selon elle apporter une solution rapide à un problème d’approvisionnement. Mais la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine avait estimé mi-septembre que de nombreuses entreprises européennes avaient encore du mal à accéder aux terres rares produites dans le pays asiatique.
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