Nommé en 2022 à la tête d’EDF, Luc Rémont en a été écarté ce vendredi 21 mars.
Dans un entretien au « Figaro », il fait le bilan de ses 28 mois à la tête de l’entreprise publique.
L’ancien haut-fonctionnaire affiche ses divergences avec le pilotage de l’État, et répond aux critiques.
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Crise de l’énergie en France
Luc Rémont, patron d’EDF évincé vendredi 21 mars par l’État, a défendu son bilan en faisant valoir une « baisse massive des prix » et le redressement de l’entreprise, et en estimant n’avoir pas de « leçon de patriotisme industriel à recevoir », dans une interview accordée ce dimanche au Figaro (nouvelle fenêtre).
Il a regretté l’engagement « pas suffisant » de l’État pour le financement de la relance du nucléaire, un sujet prioritaire qui pourrait expliquer la nomination de son successeur, Bernard Fontana (nouvelle fenêtre), actuel directeur général de Framatome, filiale d’EDF et l’un de ses principaux fournisseurs en équipements, services et combustible pour l’industrie nucléaire.
« La mission d’une vie »
« Ma mission est terminée, mais même si elle n’a duré que vingt-huit mois, cela reste pour moi la mission d’une vie », résume l’ancien haut fonctionnaire et banquier d’affaires de 55 ans, en étalant ses divergences avec l’État actionnaire. Il constate « une dégradation » dans la capacité de la force publique à « concevoir le changement (…) à prendre des décisions et à tenir sa parole ».
Comment expliquer le départ anticipé du PDG d’EDF ?Source : JT 20h WE
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Il se félicite d’avoir redressé EDF dont la production d’électricité a progressé de 30% tandis que les prix ont baissé. « Nous nous sommes engagés à proposer des contrats de long terme, au prix le plus bas possible, dans un environnement concurrentiel. Cela ne veut pas dire à n’importe quel prix », a-t-il dit, en référence aux contrats d’électricité nucléaire, au cœur de négociations très tendues avec les grands industriels, qui ont jugé leur prix trop élevé.
« Pas de leçon de patriotisme industriel à recevoir »
Réagissant au commentaire du patron du groupe Saint-Gobain accusant EDF de faire « un bras d’honneur à l’industrie française » en mettant des volumes d’électricité aux enchères, Luc Rémont juge n’avoir « pas de leçon de patriotisme industriel à recevoir ». « EDF est le premier investisseur industriel en France (…) Mais une entreprise publique n’est pas là pour faire des subventions à un petit club privé », a-t-il taclé, mais « pour rendre service aux Français dans des conditions d’équité ».
« Nous avons pris des engagements très forts fin 2023 pour sortir d’un schéma qui tuait l’entreprise », a-t-il ajouté, évoquant le système dit Arenh, imposant à EDF de céder à des concurrents, distributeurs ou industriels « électro-intensifs » (gros consommateurs) des quotas d’électricité à bas prix. Si les ventes aux enchères étaient vues d’un mauvais œil par l’exécutif, « c’est une demande explicite des autorités de concurrence et de régulation. Je ne vois pas en quoi se mettre en conformité avec le droit est une provocation », dit Luc Rémont, ajoutant que les enchères portent « sur moins de 3% de la production nucléaire ».
Il a enfin regretté « un effort [de l’État] certes important [pour le financement des nouveaux réacteurs], sous la forme d’une garantie de prix de l’électricité et d’un prêt bonifié », mais « pas suffisant », à ses yeux, pour la relance du nucléaire. « J’ai demandé des choses simples : un prêt d’État non bonifié, pour limiter le volume des émissions obligataires d’EDF. J’ai aussi souhaité un ‘pacte de confiance’ sur les prélèvements de l’État sur EDF (…). Je n’ai pas été entendu », a-t-il conclu.