Israël pourra participer à la prochaine édition de l’Eurovision à Vienne en mai. Lors d’une réunion organisée ce jeudi 4 décembre au siège de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER) à Genève, « une large majorité » des membres a voté en faveur de nouvelles règles permettant la participation de tous.
Mais cette prise de position a aussitôt déclenché des annonces de boycott de la part de plusieurs pays. Les diffuseurs de l’Espagne, des Pays-Bas, de l’Irlande et de la Slovénie ont ainsi annoncé dans la foulée qu’ils ne participeront pas à l’édition 2026, sur fond de critiques de la guerre à Gaza et de controverse autour du soutien public massif aux candidats israéliens lors des précédentes éditions.
Dans un communiqué, le groupe audiovisuel public irlandais RTE explique avoir pris cette décision « compte tenu des pertes humaines effroyables à Gaza et de la crise humanitaire qui continue de mettre en danger la vie de tant de civils » tandis que le diffuseur néerlandais Avrotros a évoqué une « incompatibilité » de ses valeurs avec la participation d’Israël.
La RTE s’est dit « profondément préoccupée par les assassinats ciblés de journalistes à Gaza (…) et par le refus persistant (des autorités israéliennes, ndlr) de permettre l’accès du territoire aux journalistes internationaux ».
Première fois que l’Espagne ne participe pas
C’est la première fois que l’Espagne, qui fait partie des « Big Five » – ces pays directement qualifiés pour la grande finale du concours car ils sont les plus gros contributeurs de l’Union européenne de radio-télévision – se retire du concours depuis sa première participation en 1961. Le pays a remporté l’Eurovision deux fois.
Dans la foulée de ce retrait, l’une des pré-parties du concours (ces courts festivals, indépendants de l’Eurovision, qui se déroulent chaque année aux quatre coins de l’Europe pour que les candidats puissent faire vivre leur chanson avant la finale) qui devait se tenir à Barcelone a été annulée par les organisateurs en soutien au diffuseur espagnol RTVE.
Vainqueur à cinq reprises, les Pays-Bas, parmi les sept pays fondateurs de l’Eurovision, présents en 1956, ont quant à eux déjà manqué quatre éditions du concours (en 1985, 1991, 1995 et 2002), pour des raisons d’organisation ou de relégation en raison de leur résultat.
Dans le concours depuis 1965, l’Irlande n’a manqué que deux éditions: en 1983, à la suite de problèmes financiers et en 2002, après avoir été relégué. Présente à l’Eurovison depuis 1993, la Slovénie n’a été releguée qu’à deux reprises en 1994 et 2000. L’Irlande a remporté l’Eurovision à sept reprises.
La décision de l’Islande et de la Belgique en attente
Le déroulement du concours de l’Eurovision, qui fêtera ses 70 ans en 2026, s’annonce donc compliqué. D’autant que plusieurs participants comme l’Islande avaient déjà menacés de ne pas envoyer de représentant au concours en mai prochain si Israël était autorisé à y participer. Le diffuseur islandais RUV prévoit de donner sa décision « mercredi ».
D’autres pays, comme la Belgique ont également indiqué réfléchir à un boycott de l’édition 2026. « La RTBF, par la voix de son porte-parole, prend acte de cette décision », peut-on lire sur le site du diffuseur belge. « Elle prendra position dans les prochains jours. »
Mais les diffuseurs ont peu de jours pour se décider. La liste finale des participants doit être être annoncée « avant Noël », a rappelé l’UER.
Une décision saluée par l’Allemagne, l’Autriche et la France
De son côté Israël, par la voix de son président Isaac Herzog, a salué cette annonce, estimant qu’il « mérit(ait) d’être représenté sur toutes les scènes du monde ».
« Israël fait partie de l’Eurovision tout comme l’Allemagne fait partie de l’Europe », a également affirmé le ministre allemand de la Culture, Wolfram Weimer, au journal Bild.
Le diffuseur allemand SWR et sa maison-mère, le groupe audiovisuel public ARD, ont salué sans surprise l’annonce, tout comme le directeur général du groupe audiovisuel public autrichien ORF, Roland Weissmann, hôte du prochain concours, regrettant toutefois le boycott de certaines chaînes.
Les diffuseurs finlandais, danois, suédois et norvégien ont également apporté leur soutien à ces mesures tandis que le Portugal a confirmé sa participation au concours 2026.
De son côté, la France a confirmé sa participation et son soutien à la présence d’Israël au concours musical. Sur X, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot s’est félicité « que l’Eurovision n’ait pas cédé aux pressions, et que la France ait contribué à empêcher un boycott d’Israël dans cette enceinte ».
Retour de la Bulgarie, la Moldavie et la Roumanie
Interrogé par la chaîne télévision suédoise SVT à la suite de cette décision de l’UER, le directeur de l’Eurovision, Martin Green, est toutefois resté assez optimiste quant à la tenue du concours. Ce dernier prévoit la participation de 35 pays à l’édition 2026 et a également exprimé l’espoir de revoir en 2027 les pays qui se sont retirés cette année.
En 2025, 37 pays avaient participé au concours de l’Eurovision, et 26 étaient finalistes. À ce jour, 32 pays ont confirmé leur participation.
Cette année, plusieurs pays tels que la Bulgarie, la Moldavie et la Roumanie ont annoncé leur retour dans la compétition après respectivement trois, un et deux ans d’absence. Des pays qui n’ont toutefois jamais remporté le concours, contrairement à l’Espagne, l’Irlande et les Pays-Bas.
Sur X, le podcast spécialisé 12 Points précise qu' »avec 35 participants, la 70ᵉe édition du concours européen deviendrait celle comptant le moins de candidats depuis l’introduction des demi-finales en 2004 et la plus faible depuis 2003″.
Israël accusé d’ingérences et d’instrumentalisation politique
En 2025, la chanteuse israélienne Yuval Raphael, survivante de l’attaque du 7 octobre 2023, était arrivée deuxième au concours, portée par le vote du public dans le monde, puisqu’il est interdit de voter pour son pays. En 2024 aussi, les jurys nationaux avaient largement snobé Israël. Mais le vote du public avait fait bondir la candidate israélienne, Eden Golan, à la cinquième place.
Israël a été accusé d’ingérences et d’instrumentalisation politique du concours. Sous pression des appels au boycott, l’UER avait annoncé le 21 novembre une modification des règles et un renforcement des efforts pour « détecter et prévenir toute activité de vote frauduleuse ou coordonnée ».
Les nouvelles mesures, approuvées ce jeudi, « découragent vivement toute campagne promotionnelle disproportionnée (…), en particulier si celle-ci est lancée ou appuyée par des tiers, notamment un gouvernement ou une agence gouvernementale ».
Le concours prévoit que tous les habitants des dizaines de pays participants au concours peuvent voter, par téléphone, SMS ou en ligne. Dans chaque pays, un jury de professionnels vote également. Ces deux votes ont le même poids. Mais avec les nouvelles règles, le nombre maximal de voix par mode de paiement « passera de 20 à 10 ».
L’approbation des nouvelles mesures par les diffuseurs « démontre l’engagement commun de nos membres à protéger la transparence et la confiance dans le Concours Eurovision de la Chanson, le plus grand événement musical live au monde », a commenté la présidente de l’UER et de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci.
L’Eurovision est régulièrement le théâtre d’oppositions géopolitiques. La Russie avait été exclue à la suite de l’invasion de l’Ukraine en 2022. Le Bélarus l’avait été un an plus tôt après la réélection contestée du président Alexandre Loukachenko.
Article original publié sur BFMTV.com











