- Des avions et des drones russes ont violé l’espace aérien de plusieurs membres de l’Otan ces derniers jours.
- L’Alliance atlantique apparaît comme incapable de mettre un terme à ces provocations militaires russes.
- Quelle riposte adopter sans provoquer une escalade ? Auprès de TF1info, le général Michel Yakovleff, ancien vice-chef d’état-major du Shape (Otan), fait le point.
Pologne, Estonie… Les provocations russes se multiplient
Pologne, Estonie… Les provocations russes se multiplient
Face aux intrusions russes, l’Otan hausse le ton. Mais en a-t-elle les moyens ? L’Alliance atlantique a averti mardi Moscou que l’« escalade »
devait cesser et assuré qu’elle était prête à se défendre, par tous les moyens. Le Danemark a dû fermer lundi (nouvelle fenêtre) (nouvelle fenêtre)l’aéroport de Copenhague (nouvelle fenêtre) après le survol de drones d’origine inconnue. Plus tôt ce mois-ci, la Pologne (nouvelle fenêtre) (10 septembre), la Roumanie (nouvelle fenêtre)(14 septembre) et l’Estonie (nouvelle fenêtre) (20 septembre) ont dénoncé la violation de leur espace aérien par des appareils russes. Le président français, Emmanuel Macron, a déclaré mercredi que les pays de l’Otan devaient « réagir de manière un peu plus forte »
(nouvelle fenêtre) en cas de « nouvelles provocations »
de la Russie. Depuis 2014, une « Police du ciel » est chargée d’assurer la sécurité de l’espace aérien des pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). Quelle est sa mission, concrètement ? Est-elle en mesure d’empêcher ces provocations militaires russes et comment ? TF1info a interrogé le général Michel Yakovleff, ancien vice-chef d’état-major du quartier général des puissances alliées en Europe (Shape), pour en savoir plus.
Quel est le rôle de la « Police du ciel » mise en place en 2004 par l’Otan ?
Le général Michel Yakovleff : Quand les pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) sont rentrés dans l’Otan, ils n’avaient pas les moyens de se payer une armée de l’air. Donc, il y a eu un deal pour que les pays disposant d’avions de combat aident ceux qui en sont dépourvus à assurer la sécurité de leur espace aérien. Ces opérations sont menées à tour de rôle par les pays membres de l’Otan. Mais, quand on parle de police du ciel, c’est au sens civil du terme. C’est pour des avions qui voleraient sans plan de vol, qui ne répondent pas à la radio, des avions qui ne sont pas là où ils devraient être, qui ne répondent pas à la radio. C’est aussi pour accompagner ceux qui ont des problèmes techniques. C’est un peu comme appeler le 17. Mais ce n’est pas la défense du ciel.
Pour engager une action, il faut que le pays en ait fait la demande à l’Otan. Cette dernière établit alors un plan d’opération militaire qui doit être approuvé par les 32 pays de l’Alliance. Et dans le plan d’opération, il y a les règles d’engagement. On utilise le mécanisme de l’Otan parce qu’il y a la chaîne de commandement, les communications, la cartographie… Mais en réalité, si un pays de l’Alliance fait blocage, on ne s’embête pas, c’est en bilatéral. Si, par exemple, la Hongrie n’est pas d’accord avec la règle d’engagement, la Pologne et l’Italie, par exemple, peuvent se mettre d’accord entre eux. La Hongrie et la Slovaquie n’auront pas leur mot à dire.
Si nos pilotes reçoivent l’ordre d’abattre un appareil russe, ils le feront sans hésiter
Si nos pilotes reçoivent l’ordre d’abattre un appareil russe, ils le feront sans hésiter
Général Michel Yakovleff
La Pologne, la Roumanie, l’Estonie ont successivement subi des incursions. L’Otan n’a-t-elle pas de règle d’engagement prévue à l’avance dans ce genre de situation ?
Si nos pilotes reçoivent l’ordre d’abattre un appareil russe, ils le feront sans hésiter. Il existe tout un catalogue de règles d’engagement. En fonction de la situation, on décide ou non de les utiliser. Par exemple, si un appareil pénètre dans l’espace aérien d’un pays de l’Otan et se dirige vers une capitale, ce qu’on appelle une pénétration axiale, la riposte ne sera pas la même que lors du survol d’une frontière. Les avions russes MiG-31 qui ont survolé la frontière estonienne avaient des missiles air-air à courte portée, qui sont destinés à l’autodéfense. C’était ce que les Russes appellent un passage innocent. Alors, cela énerve tout le monde, mais techniquement parlant, cela reste totalement inoffensif.
En revanche, si les avions avaient pivoté à 90 degrés et accéléré en direction de Tallinn (la capitale), qu’ils avaient des bombes, la règle d’engagement était claire : acte hostile, attitude hostile, égalent ouverture du feu. On peut aussi effectuer un tir de semonce. Il y a plusieurs moyens de le faire. On peut tirer au canon ou utiliser l’illumination radar. C’est ce qu’on voit dans le film « Top Gun ». Il y a une alarme qui s’enclenche dans le casque du pilote pour lui indiquer qu’il a été accroché, l’invitant ainsi à faire demi-tour. Dans le cas des drones, la règle d’engagement est beaucoup plus permissive, en raison du fait qu’elle n’entraîne pas la mort d’un pilote.
Il faudrait des avions qui tournent en permanence dans le ciel, au lieu d’être au sol en attendant la violation
Il faudrait des avions qui tournent en permanence dans le ciel, au lieu d’être au sol en attendant la violation
Général Michel Yakovleff
L’Otan a averti mardi Moscou qu’elle était prête à se défendre par tous les moyens. De son côté, Emmanuel Macron a déclaré mercredi qu’il fallait « monter d’un cran » face aux « provocations russes », sans pour autant ouvrir le feu. Oui, mais comment ?
Si l’Otan veut se donner les moyens de ses ambitions, elle pourrait mettre en place de ce qu’on appelle une CAP, pour Combat Air Patrol. C’est-à-dire qu’il faudrait avoir des avions qui tournent en permanence dans le ciel, au lieu d’être au sol en attendant la violation. L’été dernier, deux hélicoptères provenant de Biélorussie ont pénétré de 20 kilomètres dans l’espace aérien de la Pologne. Les Polonais n’avaient pas d’avion à l’instant T pour les intercepter. Le temps qu’ils arrivent, les appareils s’étaient posés en Biélorussie. En France, on a quatre avions prêts à décoller en permanence en cas de menace majeure. Le territoire qu’il faut couvrir est moins étendu. Mais surtout, on a le visuel radar avec les Belges et les Allemands, ce qui fait qu’on a le temps de voir venir. Ce n’est pas le cas de la Pologne et encore moins des pays baltes.
Par conséquent, cela nécessiterait de déployer un plus grand nombre d’avions, en créant des unités spécifiques. Nous avons suffisamment d’armées de l’air en Europe pour le faire sans avoir besoin de l’aide des Américains. Mais c’est une escalade qui coûterait extrêmement cher. L’heure de vol d’un avion de combat Rafale, c’est environ 20.000 euros. Et je ne parle pas des missiles, si jamais on était amené à en tirer. Et pendant ce temps-là, les Russes, eux, ne dépensent rien tant qu’ils ne font pas voler leurs avions. C’est l’avantage en aviation de l’attaquant sur le défenseur. Le défenseur est obligé d’être prêt à bondir le couteau entre les dents , alors que l’attaquant, lui, choisit son heure. Et donc, c’est très compliqué.










