Philosophe canadien élevé dans la culture chrétienne, John L. Schellenberg, professeur à l’université Mount Saint Vincent, à Halifax (Nouvelle-Ecosse), soutient aujourd’hui que le Dieu personnel des religions monothéistes ne peut pas exister sans contradiction. Auteur de livres et articles débattus dans le monde entier, il a publié pour la première fois en France un essai grand public synthétisant ses réflexions sur « l’argument de la dissimulation », au cœur de ses travaux (Un nouveau défi pour la croyance en Dieu. L’argument de la dissimulation, Eliott, 198 pages, 17,50 euros).
Comment résumer « l’argument de la dissimulation » ?
Dans les religions monothéistes, Dieu est défini comme un être personnel et ultime. Il sait tout, son pouvoir est sans limite, il est à l’origine du monde… Et il est parfaitement aimant. Or, cela devrait impliquer qu’il soit toujours disposé à entrer en relation avec nous. De notre côté, nous avons en effet besoin de croire que Dieu existe pour lui exprimer de la gratitude, le prier ou lui demander pardon, par exemple.
C’est là que les problèmes commencent : le fait est que certaines personnes ne croient pas en Dieu. Certes, les religions avancent que Dieu laisse les humains libres de croire ou de ne pas croire. Mais je ne parle pas des individus qui résisteraient à cette croyance, qui ressentiraient un élan vers Dieu mais refuseraient de l’admettre ou encore rejetteraient les conséquences qui s’ensuivraient – les règles religieuses, la pratique, le principe d’être jugés après la mort, etc.
Je parle au contraire de personnes élevées dans une culture monothéiste, a priori favorables à la religion, voire qui préféreraient penser que Dieu existe, mais qui n’ont jamais vraiment réussi à croire faute de trouver des raisons convaincantes, voire deviennent athées après avoir réfléchi à la question, examiné les éléments de preuve, cherché les signes d’une présence, etc.
C’est ce que j’appelle une situation d’« incroyance sans résistance ». Si le refus d’entrer en relation avec Dieu ne vient pas de moi, alors d’où vient-il ? Une telle situation implique de penser un Dieu qui refuse la relation, qui rejette la main que nous lui tendons, qui se « dissimule » volontairement ainsi que les preuves de son existence. Cette conséquence me paraît contradictoire avec l’idée d’un Dieu personnel tout-puissant et parfaitement aimant.
Pour de nombreux croyants, le doute est perçu comme une épreuve à surmonter, parfois instillé par le diable dont le but est, précisément, de couper l’humanité de Dieu…
Il vous reste 62.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.