Patrick Canié aurait pu finir sa vie comme si de rien n’était. Personne n’avait pu prouver qu’une soirée de mai 2007, il avait bel et bien tué son voisin et ami Henri Rozès. Pour la justice, l’auteur des faits était donc inconnu et, en 2009, la chambre d’instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu. Si bien que le 5 août 2020, quand Patrick Canié se présente à la gendarmerie de Plaisance-du-Touch pour avouer le meurtre plus de treize ans après, les officiers de police judiciaire ne cachent pas leur surprise.
Entendu sous le régime de la garde à vue, Patrick Canié se met à raconter. Ce jour-là, il souffrait beaucoup du dos et de la jambe. Son neurostimulateur médullaire, censé calmer ses douleurs lombaires, fonctionnait une fois sur deux, et son médecin généraliste ne semblait pas le prendre au sérieux. Il le tutoyait, comme s’il voulait faire copain-copain, mais il ne l’écoutait pas. Seul l’alcool lui permettait d’oublier la douleur: «J’aimais bien la bière, en tant que serveur j’ai appris à la connaître. Le vin, j’achetais pas des bouteilles en plastique, c’était du bon vin. Le whisky, c’était une à deux bouteilles par semaine, plus que de raison. Et avec les repas, je me jetais une mignonnette de rouge», rapporte-t-il.
Parfois, il fumait aussi du cannabis. Avec son voisin Henri, ils partageaient un peu des deux. Henri Rozès souffrait d’une hémiplégie gauche depuis son AVC en 2004, et Patrick Canié d’hernies discales et de cruralgies depuis un accident de scooter en 2000. Leurs souffrances respectives les rapprochaient autant qu’elles les éloignaient: aux apéros, la conversation s’envenimait souvent.
Leurs douleurs chroniques, de par leur nature, étaient obsédantes. Elles revenaient sans cesse sur le tapis, chacun essayant de convaincre l’autre de l’étendue de son handicap. «Par rapport à mon hémiplégie, tu peux faire des trucs…», arguait souvent Henri à Patrick…
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