« Peine de mort pour les pédos », « on aura ta peau » : cinq personnes ont été condamnées à Paris, jeudi 13 juin, à des peines de deux à sept mois de prison avec sursis pour avoir menacé de mort ou de violences l’auteur de bandes dessinées Bastien Vivès.
Les cinq prévenus, trois hommes et deux femmes âgés de 21 à 31 ans, devront, en outre, verser chacun de 500 à 1 000 euros au dessinateur, au titre de son préjudice moral, plus 500 euros pour ses frais d’avocat, a ordonné le tribunal correctionnel. Ils comparaissaient pour des messages postés sur les réseaux sociaux, pour la plupart en décembre 2022.
L’auteur, qui était présent à l’audience, durant laquelle il n’a pas pris la parole, faisait à l’époque l’objet d’une vive polémique, plusieurs de ses ouvrages étant accusés d’être « pédopornographiques ». La controverse et les menaces reçues par l’auteur avaient conduit le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême à annuler l’exposition qui devait lui y être consacrée. Pour la représentante du parquet, ces menaces en ligne sont d’autant plus intolérables qu’elles peuvent inciter d’autres internautes à « passer à l’acte ».
« Si vous considérez que les publications de Bastien Vivès sont contestables, vous avez le droit de le dire, mais pas de le menacer de mort ! », s’est-elle exclamée à l’attention des prévenus. La plupart ont cependant concédé à la barre n’avoir pas vraiment lu les œuvres en question.
« J’ai été aveuglé par des choses que j’ai pu lire sur Internet, c’est stupide », a expliqué l’un d’eux, qui avait envoyé au dessinateur une image de balles de kalachnikov, avec la mention en anglais « remède contre la pédophilie ». « J’ai suivi un mouvement. Je ne connaissais pas du tout ses BD », a reconnu un autre, qui avait écrit « peine de mort pour les pédos ».
Une étudiante aux Beaux-Arts a reconnu avoir « dépassé les limites » en envoyant, elle en 2020, un message libellé « toi et tous les prédateurs de la sorte, on va vous couper les couilles ». « C’était une image », s’est-elle défendue devant le tribunal. La jeune femme a expliqué qu’elle était à l’époque bouleversée par des faits d’inceste dont un de ses proches avait été victime. Et qu’elle était « tombée » sur l’album de Bastien Vivès, Petit Paul, mettant en scène « un enfant de six ou sept ans qui a un sexe de 50 centimètres et s’adonne à des actes sexuels avec des adultes ».
Les plaintes concernant cet album ont été classées sans suite, a relevé à ce propos l’un des défenseurs de l’auteur, l’avocat Richard Malka. Une enquête préliminaire pour diffusion d’images pédopornographiques est par ailleurs toujours en cours depuis le début de 2023 au parquet de Nanterre, mais n’a toujours pas débouché sur des poursuites, a-t-il ajouté. Et quoi qu’il en soit, « même s’il avait été condamné à deux cent cinquante ans de prison pour pédophilie, ça ne justifie pas des menaces de mort », a asséné l’avocat.
Suivre la rumeur
Une autre jeune femme avait écrit « Bastien Vivès, on aura ta peau, espèce d’enculé » sur X – réseau qu’elle utilisait « comme un journal intime ». Elle a expliqué s’être sentie « blessée » par un dessin de Bastien Vivès qu’elle a trouvé « homophobe », mais a reconnu n’avoir pas lu ses BD.
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Plutôt que des menaces de mort, a plaidé son avocate Emma Eliakim, il faut voir dans cet acte une volonté de « cancel » l’auteur, au sens de la « cancel culture » : il s’agissait d’affirmer que Bastien Vivès n’avait pas sa place « dans l’espace public », selon elle.
Dans cette affaire, Bastien Vivès est un peu « l’arroseur arrosé », a relevé un autre avocat de la défense, Denis Hubert, qui rappelle que le bédéiste avait été vivement critiqué pour avoir lancé sur Facebook, sous pseudonyme, des appels à la violence contre la dessinatrice féministe Emma.
En décembre 2022, le dessinateur « a fini par s’excuser du bout des lèvres, en disant que les réseaux sociaux l’avaient rendu con », a observé l’avocat. Son client, a-t-il souligné, est dans le même cas : « Il s’est contenté de suivre la rumeur comme un mouton de Panurge, sans la vérifier. »