Retenez-moi ou je fais un malheur ! Handicapée par le procès des assistants parlementaires du Front national (Rassemblement national aujourd’hui) au Parlement européen au terme duquel elle risque l’inéligibilité, Marine Le Pen s’est remise en scène, lundi 25 novembre, à l’occasion de la tragédie budgétaire. Première à être reçue à Matignon pour faire entendre ses doléances, première à poser publiquement ses exigences sur le perron de l’hôtel de Matignon, elle cultive le rôle de faiseuse de roi, celle qui tient entre ses mains le sort de Michel Barnier.
Le film ne va pourtant pas de soi car le RN seul ne peut pas démettre le gouvernement. Il ne dispose pas d’un nombre suffisant de suffrages à l’Assemblée nationale pour y parvenir dans le cas très probable où le chef du gouvernement serait contraint d’engager la responsabilité de son équipe pour tenter de faire adopter le projet de loi de finances 2025.
Seules les voix combinées de la gauche et de l’extrême droite sur une motion de censure déposée par l’une ou par l’autre seraient en mesure de le faire. C’est ce que le premier ministre appelle « la coalition des contraires ». Et pourtant, tout tourne autour de la fille de Jean-Marie Le Pen, ses exigences et ses calculs, comme si les autres acteurs politiques étaient devenus des personnages subalternes. Etait-ce inéluctable ?
Mystification démocratique
Si l’on raisonne en termes de parti et non de coalition, le RN est aujourd’hui la principale force politique au Palais-Bourbon. Il dispose de 124 députés, loin devant Ensemble pour la république (94) et La France insoumise (LFI, 71). Son attractivité ne semble pas entamée en dépit de la mauvaise campagne qu’a menée le parti d’extrême droite lors des élections législatives à l’issue de la dissolution le 9 juin, malgré la gravité des faits révélés lors du procès dans lequel la présidente du groupe parlementaire risque gros. La proportion d’électeurs qui se dit d’accord avec les idées de ce parti progresse (39 %), celle qui le perçoit comme un danger pour la démocratie régresse (38 %) et celle qui anticipe sa prochaine accession au pouvoir atteint 68 %, selon le baromètre annuel de l’institut Verian, publié le 25 novembre par Le Monde.
Ces données accréditent l’idée selon laquelle dans un pays financièrement affaibli, politiquement divisé, dominé par une sourde défiance, le RN continue d’engranger en actionnant la double problématique du pouvoir d’achat et de l’immigration. Et également en faisant miroiter le fait qu’il est le seul à n’avoir pas été encore essayé.
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