Le grand bureau sous les toits de Marianne Alphant, dans sa maison de Sartrouville (Yvelines), ressemble à un antre bien rangé, rempli de livres (dictionnaires, éditions anciennes, multitude impressionnante d’œuvres en tout genre) et d’objets parfois inattendus, comme ce lapin lumineux qui voisine avec le Journal complet, de Samuel Pepys (1633-1703), ce fameux et très spirituel diariste anglais qui consigna les faits de son temps sur plusieurs milliers de pages… Est-ce là l’« atelier des poussières », qui donne son titre à son nouveau livre ? Non qu’on veuille bien sûr suggérer la nécessité d’un coup de chiffon, ou de balai, dans cet espace qui respire le travail et ses plaisirs : tout y semble très proprement en ordre ! Mais l’abondance des ouvrages, et le petit côté « librairie de Montaigne », suggère une manière d’écrire dont Marianne Alphant ne se départ jamais, de texte en texte, chacun étant un peu comme un laboratoire où sont analysées, associées, détournées, des centaines de lectures et de références… Et c’est bien cette culture foisonnante, presque étourdie de curiosité, qui fait de son œuvre – qu’elle évoque Pascal, Monet ou Jules César – un bonheur toujours recommencé d’érudition joyeuse et d’inventivité formelle.
Pourquoi s’être intéressée, alors, à un objet en apparence aussi insignifiant que la poussière ? Quand on lui pose la question, Marianne Alphant insiste d’abord sur l’ancienneté du projet : « J’ai travaillé depuis longtemps à ce livre, commencé à l’époque où je terminais d’écrire sur Monet : je cherchais un moyen de passer à autre chose, et j’avais envie d’écrire sur le ménage, une activité qui implique des manies, des rituels, des obsessions… Je me suis donc lancée dans de longues recherches, mais le livre s’est arrêté à la mort de Paul Otchakovsky-Laurens [fondateur des éditions P.O.L, disparu accidentellement en janvier 2018] : je ne suis pas la seule à avoir eu l’impression, alors, que je ne pourrais plus écrire. Et puis les choses ont fini par repartir, j’ai écrit César et toi, et je suis revenue en même temps à ce que j’appelais le “projet poussière”. Quand, enfin, j’ai envoyé le manuscrit à Frédéric Boyer [le successeur de Paul Otchakovsky-Laurens], il n’avait pas de titre, c’est le lendemain seulement que je l’ai trouvé, pour témoigner d’un travail où j’ai tout mélangé, la poussière réelle du ménage, les poudres et les excitants, les atomes et la réflexion sur l’infiniment petit… c’était comme un bazar, et je trouvais que le terme d’atelier convenait bien. »
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