« Sans mes grands frères, rien n’aurait été pareil. Ma vie aurait été plus compliquée, avec les fréquentations au collège. Là où je vis, il y a les problèmes de la rue, l’effet de groupe, mais ce n’est pas non plus les quartiers nord. Je sais que j’aurais pu être entraîné et aussi fumer, boire, des choses qui ne sont pas de mon âge. J’ai la chance de grandir avec mes trois grands frères de 27, 24 et 22 ans. C’est un peu eux qui m’ont éduqué. Mon père, originaire d’Egypte, est parti très tôt. Il n’est pas mort, mais il a quitté la famille. Je le vois parfois. Je le connais un peu mais pas par cœur. Il m’aime, on le sent… Mais, en vrai, si j’ai un problème, ce n’est pas vers lui que je me tournerai.
Ma mère a donc élevé quatre garçons. Elle est arrivée d’Algérie dans les années 1980. Je suis né en France, hôpital Trousseau, Paris 12e. Tous mes frères sont nés ici. Elle est fonctionnaire de l’éducation nationale. Ma mère, c’est ma mère ! Je l’écoute tout le temps. Si je veux sortir, elle me laisse faire. J’ai des amis, leurs mères sont toujours sur leur dos. Elles ont peur, c’est normal, elles pensent que leurs fils sont encore des bébés, des enfants. Parfois, je me dis que ma mère ne s’intéresse pas assez à moi, mais non, elle me fait juste confiance.
Il y a toujours eu de la confiance dans ma famille, mais celle de ma mère me fait me sentir grand. On dit que les parents stricts élèvent les plus grands menteurs. Je ne mens pas à ma mère, enfin, si, je lui mens. Sur des petites choses. Je déteste ça parce qu’elle a instauré une confiance, et je me dois de la respecter sinon elle peut être détruite. Pareil avec mes frères, qui sont très protecteurs : “Fais attention, gros, dehors, avec qui tu traînes.” Bien sûr que je fais attention. Mes frères, ils ont tout connu dans la vie, ils me conseillent, me sermonnent. On a tous des parcours différents. L’un a réussi malgré des années difficiles au lycée, un autre est pilote d’avion, un autre est en formation à la SNCF, il kiffe. Moi, je n’ai pas fini.
J’ai choisi d’aller en 1re STMG [sciences et technologies du management et de la gestion], sur les recommandations de la conseillère d’orientation parce que je veux faire un BTS de commerce international. J’adore les langues, l’anglais, c’est très important pour travailler à l’étranger. Il vaut mieux faire une bonne STMG qu’un bac général moyen. Elle m’a conseillé ça, mes frères aussi. J’écoute les grands frères ! J’ai aussi choisi la STMG car ça paraissait plus facile que la générale. En fait, en 1re, tout va plus vite, il y a plus de travail. C’est sûr que je veux avoir un bagage, je veux être un minimum à l’aise, mais je ne fais pas trop d’efforts, je ne meurs pas pour l’école, genre. Après le bac, c’est sérieux ; l’enfance, c’est fini.
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