Elle semble tout savoir jouer, premiers ou seconds rôles, cinéma d’auteur, films grand public ou théâtre avec Christophe Honoré, comédie (la troupe des Robins des Bois, Papa ou maman) ou personnage grave chez Laurent Cantet. Marina Foïs, actuellement à l’affiche de Moi qui t’aimais, de Diane Kurys, et de La Femme la plus riche du monde, de Thierry Klifa, nous reçoit dans son bureau cocon rempli de livres. A 55 ans, celle que les réalisateurs s’arrachent a bien l’intention que cela dure le plus longtemps possible.
Je ne serais pas arrivée là…
… Si je n’étais pas le produit d’une famille de multiexilés. C’est ce qui définit mon identité au plus fort. L’exil, même quand il est bourgeois, implique la fuite, la peur et surtout l’obligation de s’adapter. L’adaptation est quelque part dans mon ADN. Pouvoir changer de pays, de culture, de milieu, nécessite un grand esprit d’ouverture au monde. Et qu’est-ce que le cinéma, si ce n’est un regard sur le monde ?
D’où votre famille venait-elle ?
Du côté maternel, j’ai un grand-père russe qui a fui la révolution soviétique et qui a épousé ma grand-mère, une juive d’Egypte qu’il avait connue à l’école de physique et de chimie, à Paris. Ce Russe blanc venait d’une grande famille de Saint-Pétersbourg. Il était très intégré et parlait parfaitement le français. Il jurait qu’il n’était pas juif alors que sa mère s’appelait Cohen. Il a forcé ma grand-mère à porter l’étoile jaune. Il avait un côté légaliste, il pensait comme tant d’autres que la France ne ferait jamais de mal à ses juifs, qu’ils seraient protégés. Ma grand-mère a très vite arraché son étoile jaune, elle s’est procuré de faux papiers et a fui près d’Evian, en Haute-Savoie. Elle a survécu comme ça, elle n’a pas été déportée. Après la guerre, elle a mis ses deux filles au catéchisme, mais, beaucoup plus tard, quand mon grand-père l’a plaquée, elle a fait un retour au judaïsme très intense. A l’âge de 70 ans, elle s’est inscrite aux Langues O [Institut national des langues et civilisations orientales], a appris l’hébreu et s’est acheté un appartement à Jérusalem. Elle était psy, ma mère l’est devenue à l’âge de 40 ans, après nous avoir élevés.
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