Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 20 mars, totalement ou partiellement, près d’un tiers des articles de la loi d’orientation agricole, dont le principe contesté de « non-régression de la souveraineté alimentaire », miroir de la non-régression environnementale déjà consacrée.
Cette loi, très attendue pour répondre au mouvement de colère agricole et adoptée au pas de charge en février avant le Salon de l’agriculture, consacrait aussi la « bonne foi » présumée des agriculteurs lors des contrôles et faisait primer le caractère « non intentionnel » de certaines atteintes à l’environnement, dans deux dispositions elles aussi censurées. Le principe phare de la loi, qui érige « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture » au rang d’« intérêt général majeur », demande de la FNSEA, syndicat agricole historique, n’a pas été touché.
Celui de « non-régression de la souveraineté alimentaire » avait été ajouté par les sénateurs mais élus et juristes doutaient de la portée du dispositif, la protection de l’environnement ayant une valeur constitutionnelle, alors que cet « intérêt général majeur » est inscrit dans une loi simple. Dans le détail, le Conseil constitutionnel, dont il s’agit de la première décision sur un texte de loi depuis l’arrivée de Richard Ferrand à la présidence, censure totalement quatorze articles et partiellement trois articles de la loi d’orientation agricole pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, après une saisine par les députés des groupes La France insoumise (LFI) et Ecologiste, selon la décision.
Un « texte nécessaire », selon la ministre de l’agriculture
Est aussi censurée une disposition qui prévoyait que les « normes réglementaires en matière d’agriculture ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu’elles sont spécialement motivées et évaluées avant leur adoption et qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale ». Elle répondait à la demande des agriculteurs d’arrêter la « surtransposition » des normes européennes, notamment en matière de produits phytosanitaires et de seuils pour les bâtiments d’élevage.
L’exclusion des bâtiments agricoles du décompte de l’artificialisation des sols dans le cadre du dispositif « zéro artificialisation nette », maintenu par le Sénat contre l’avis du gouvernement, a aussi été censurée. L’article a été jugé « cavalier », c’est-à-dire sans lien suffisant avec le texte.
Un texte issu d’un accord en commission mixte paritaire avait été largement adopté par le Parlement à la mi-février, avec les voix macronistes, de la droite et du Rassemblement national. Alors que la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, avait défendu une « réponse forte aux demandes d[es] agriculteurs » et un « texte nécessaire », la gauche, les Ecologistes en tête, avait dénoncé une « régression environnementale majeure ».