Deux mots, apparus récemment dans le vocabulaire transatlantique, résument le dilemme des Européens face à un président américain ouvertement hostile : « trahison » et « convergence ». Les Européens se sentent trahis par leur allié de 80 ans, mais ils ne veulent pas laisser la divergence aller jusqu’à la rupture. Sur la question de l’Ukraine, il faut, plaide Paris, « reconverger » avec les Etats-Unis. Tenter de redresser la barre chaque fois que le Kremlin prend l’ascendant sur les négociateurs américains.
Le mot « trahison » n’est pas employé en public. L’Elysée a même démenti qu’il ait été utilisé par Emmanuel Macron lorsque le magazine allemand Der Spiegel a publié la transcription d’échanges téléphoniques tenus le 1er décembre entre le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et ses collègues européens, révélant l’abîme de défiance de ces derniers à l’égard de l’équipe Trump. Le président français, selon Der Spiegel, y mettait en garde M. Zelensky contre un risque de trahison des Américains sur la question des territoires revendiqués par la Russie. En fait, ce sont les Européens qui ont été trahis ; à Berlin, on ne serait pas étonnés que les Américains soient à l’origine de cette fuite.
Voilà pour l’ambiance, notablement alourdie par la publication, le 5 décembre, de la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis, qui appelle à la « résistance » pour « corriger la trajectoire actuelle de l’Europe ». Mardi 9 décembre, Donald Trump a enfoncé le clou, si besoin était, en fustigeant le « déclin » de l’Europe et la « faiblesse » de ses dirigeants, dans une interview au média américain Politico.
L’offensive trumpiste, lancée dès février par le vice-président, J. D. Vance, dans ses discours à Paris puis à Munich, pose un double défi à l’Europe – sécuritaire et idéologique. Le plus dangereux est le second.
En matière de sécurité, les Européens savent depuis longtemps, tout en ayant feint de l’ignorer, qu’ils doivent s’occuper de leur défense. La stratégie de sécurité nationale américaine ne parle pas de retrait de l’OTAN ; elle regorge de références aux « alliés » des Etats-Unis à travers le monde et à l’importance des alliances, dans la mesure où elles sont au service des intérêts de Washington. « L’Europe reste stratégiquement et culturellement vitale pour les Etats-Unis », lit-on, même si elle est reléguée en fin du document dont elle n’occupe que trois pages sur vingt-neuf.
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