L’avion papal reprend du service, une première depuis le dernier vol du défunt pape François en Corse, mort fin avril. Léon XIV participe à son premier voyage à l’étranger en tant que chef de l’État ce jeudi 27 novembre. L’occasion pour le souverain pontife de se montrer davantage sur la scène internationale après des débuts discrets, et d’œuvrer à la paix dans le monde, à commencer par le Proche-Orient.
Léon XIV prend d’abord la direction d’Ankara. Il ne restera que quelques heures dans la capitale turque, le temps de se plier à quelques obligations protocolaires comme la visite du mausolée d’Atatürk ou une rencontre avec le président Recep Tayyip Erdogan. Si le pape pose pied en Turquie, c’est à l’invitation du patriarche Bartholomée Ier de Constantinople.
« Il est à la tête de la première des Églises orthodoxes, remontant jusqu’au temps des apôtres. Aujourd’hui, l’orthodoxie est une communion de 15 églises locales et le patriarche œcuménique de Constantinople en possède présidence d’honneur », résume Nicolas Kazarian, professeur à l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris, auprès de BFMTV.
« Plus qu’un titre honorifique, il s’agit d’un rôle de représentation et de coordination global », ajoute-t-il.
« Promouvoir l’unité des chrétiens dans un monde fracturé »
Cette rencontre entre le patriarche et le pape permet de commémorer les 1.700 ans du concile de Nicée. C’est dans cette ville aujourd’hui appelée Iznik qu’eut lieu en 325 le premier Concile de l’histoire du christianisme ayant réuni des évêques de tout l’Empire romain. Ils avaient lors de ce concile posé des bases de doctrine encore partagées aujourd’hui par catholiques, orthodoxes et protestants, en dépit des conflits qui ont pu les éloigner ces derniers siècles.
Bartholomée Ier et Léon XIV vont se retrouver notamment au cours d’une célébration œcuménique. « Cette séquence sera surtout un moment spirituel pour promouvoir l’unité des chrétiens dans un monde fracturé », résume Hugues Lefèvre, responsable de l’agence de presse spécialiste du Vatican I.Media.
Cette rencontre organisée en 2025 n’est pas anodine, au regard d’une histoire de tensions longues de plusieurs décennies. Il a fallu attendre 1964 et la rencontre du pape Paul VI et du patriarche Athenagoras en à Jérusalem pour briser 500 ans de silence entre l’église de Rome et le patriarcat de Constantinople.
Pas d’invitation au patriarche de Moscou
Pour les orthodoxes, la guerre livrée par la Russie en Ukraine est d’autant plus malheureuse qu’il voient s’entretuer des coreligionnaires. Si l’évocation du conflit ne figure pas au programme de la visite papale, le sujet va sans doute faire l’objet de discussions informelles.
« Il ne serait pas étonnant qu’ils en parlent en aparté parce que c’est une question de réconciliation, de paix en Europe et que les prises de position du pape sont assez proches de celles de Bartholomée », indique Nicolas Kazarian.
Le patriarche de Moscou, Kirill, un proche de Vladimir Poutine, n’a pas été invité à Iznik. Si celui-ci est à la tête de l’église orthodoxe la plus importante en termes de fidèles, les sermons dans lesquels il a donné en 2022 sa bénédiction aux troupes russes avant l’offensive contre l’Ukraine sont encore dans toutes les mémoires.
À l’inverse, Bartholomée Ier a accompagné les velléités d’indépendance de l’orthodoxie ukrainienne vis-à-vis de la Russie. Il lui a accordé dès 2019 un statut d’indépendance maximal.
« Il s’agit avant tout de célébrer un événement profondément fédérateur du premier millénaire du christianisme. Aussi, le patriarche Bartholomée a voulu avant tout renforcer l’expérience d’une église unie, celle d’avant le schisme, en n’invitant que les représentants des autres églises historiques d’Alexandrie, Antioche et Jerusalem, qui forment la Pentarchie. Le message central de cette rencontre est celui de l’unité et de la réconciliation », ajoute le professeur à l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris.
Un voyage au Liban pour la paix au Moyen-Orient
Dimanche 30 novembre, Léon XIV quittera la Turquie pour se rendre au Liban. Il rencontrera les principales autorités du pays dont le président de la République, Joseph Aoun, un chrétien maronite, la seule église d’Orient fidèle à Rome.
Le pays du Levant subit depuis octobre 2023 des bombardements de l’armée israélienne qui visent le Hezbollah mais ont fait plusieurs milliers de morts et dizaines de milliers de blessés. Des frappes se poursuivent en dépit du cessez-le-feu. Cette situation accroît les difficultés de l’économie libanaise qui s’écroule depuis une dizaine d’années.
Le pape a prévu de se recueillir sur les lieux de l’explosion du port de Beyrouth qui avait coûté la vie à 220 morts et 6.500 blessés. Il doit également participer à une messe donnée depuis le front de mer.
« Il y a toujours eu d’excellentes relations entre le Vatican et le Liban. Les papes tiennent à œuvrer pour la paix au sein de ce pays qui témoigne de la possibilité au Moyen-Orient d’une coexistence entre différentes communautés religieuses », indique Hugues Lefèvre.
Une stature internationale à imposer
Ce voyage doit également permettre à Léon XIV, en fonction depuis le 8 mai dernier, de se montrer au monde après ces premiers mois de pontificat. S’il a pris la parole sur des sujets divers comme la guerre à Gaza, la guerre en Ukraine, il paraît plus effacé que son prédécesseur.
Les observateurs reconnaissent une rupture avec l’image de François. « C’est un style qui tranche avec le précédent pape qui n’hésitait pas à casser les codes, bousculer les us et coutumes, sortir de ses notes lors des discours et partir dans des improvisations qui détonnaient. Léon XIV a un style plus sobre, plus mesuré, c’est un pape plus classique et cela produit un choc sur le grand public », commente le responsable du média spécialiste du Vatican.
Pourtant, Hugues Lefèvre considère que sur le fond, il existe un vraie filiation entre l’Argentin et l’Américain notamment sur son rapport au monde. « Je pense qu’il veut continuer les voyages à la périphérie de l’église. Une tournée africaine est envisagée pour le début de l’année prochaine », poursuit-il.
« Mais il aura aussi à cœur de ne pas froisser les grands pays catholiques comme l’Espagne ou l’Allemagne où le pape François ne s’est pas rendu ».
Article original publié sur BFMTV.com









