Après deux ans sans président de la République, le Liban a désormais un nouveau chef d’Etat. Il s’agit du commandant en chef de l’armée libanaise, Joseph Aoun, qui a été élu par les députés, jeudi 9 janvier, au second tour, obtenant 99 voix, sur 128 députés. Il n’avait obtenu que 71 voix au premier tour de scrutin dans la matinée, les 30 députés du Hezbollah pro-iranien et de son allié, le mouvement chiite Amal, ayant voté blanc.
Mais une rencontre au Parlement entre des représentants des deux formations et le commandant en chef de l’armée au Parlement, entre les deux tours, a changé la donne, lui assurant la majorité nécessaire pour l’emporter. Le président élu, en tenue civile, est entré dans l’hémicycle sous les applaudissements pour prêter serment.
Le Hezbollah affaibli après deux mois de guerre avec Israël
La candidature du commandant en chef de l’armée, qui a une réputation de probité et d’impartialité, était appuyée par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, poids lourd régional, selon des responsables politiques libanais. Des ambassadeurs de plusieurs pays ainsi que l’émissaire français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, ont assité à la session parlementaire.
Les pressions diplomatiques se sont intensifiées sur les parlementaires pour les pousser à choisir le commandant en chef de l’armée. Le Hezbollah, acteur incontournable de la scène politique, est sorti affaibli après deux mois de guerre avec Israël et la chute début décembre du président syrien, Bachar al-Assad, son allié.
En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite. Le Liban était doté d’un système présidentiel mais les pouvoirs du chef de l’Etat ont été largement diminués par l’accord de Taef ayant mis fin à la guerre civile (1975-1990) au profit du Conseil des ministres présidé par un musulman sunnite.
Pour que cette élection soit validée, il faudra toutefois amender la Constitution qui interdit, jusqu’ici, l’élection de hauts fonctionnaires en poste ou ayant exercé leur fonction au cours des deux dernières années, ce qui est le cas du chef de l’armée. Mais le premier ministre par intérim, Najib Mikati, s’était montré mercredi optimiste quant à une issue positive à ce nouveau scrutin. « Pour la première fois, depuis la vacance présidentielle, je ressens de la joie car, si Dieu le veut, nous aurons (…) un nouveau président de la République », avait-il lancé.
Le nouveau président a la lourde tâche de désigner un premier ministre, à la tête d’un nouveau cabinet qui devra obtenir la confiance de la communauté internationale et mettre en oeuvre des réformes urgentes, destinées à relancer l’économie et à reconstruire les zones dévastées dans le sud.
Un revers infligé par Israël au Hezbollah
Depuis la fin du mandat du président sortant, Michel Aoun (sans lien de parenté avec Joseph), en octobre 2022, le Parlement avait jusqu’ici échoué à élire un président, qui détient un rôle avant tout protocolaire. Les détracteurs du Hezbollah l’accusaient d’avoir bloqué l’élection en voulant imposer son candidat, Sleimane Frangié. Ce proche de M. Assad a annoncé mercredi son retrait en faveur de Jospeh Aoun, permettant son élection. Les réunions et consultations entre les forces politiques se sont multipliées ces dernières heures dans le but de parvenir à un consensus concernant le militaire.
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Des analystes estiment que le rôle-clé de l’armée dans la mise en oeuvre du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, entré en vigueur le 27 novembre, a été un facteur déterminant pour l’ascension de Joseph Aoun vers la présidence. Cette élection s’est tenue après un sérieux revers infligé par Israël au Hezbollah dans la guerre qui les a opposés, tuant notamment son chef, Hassan Nasrallah.
L’accord de cessez-le-feu prévoit le déploiement de l’armée libanaise dans les zones frontalières au fur et à mesure du retrait de l’armée israélienne des zones qu’elle a occupées pendant le conflit. Le Hezbollah doit retirer ses troupes au nord du fleuve Litani et démanteler toute infrastructure militaire dans la région. Les Etats-Unis, la France et l’ONU supervisent le mécanisme de mise en oeuvre du cessez-le-feu.
A Aïchiyé, village natal du commandant de l’armée dans le sud du Liban, les habitants ont laissé éclater leur joie. Des portraits du général Aoun ornaient les rues, accompagnés de slogans de soutien.