On l’a remarqué depuis des années déjà : la télévision n’a plus d’imagination. L’innovation est un pari risqué et les chaînes n’ont plus ni le temps ni les moyens d’expérimenter de nouveaux formats et de nouveaux concepts. Alors elles recyclent, encore et toujours plus.
Soit deux valeurs sûres du moment : d’un côté, les polars, une passion typiquement française qui permet de clouer facilement le spectateur devant son écran en jouant sur les ressorts classiques du mystère à résoudre ; de l’autre, les jeux de société, un secteur qui connaît une croissance constante depuis la pandémie de Covid-19. C’est peu de dire que la première est déjà surexploitée : pas moins de vingt-sept séries policières françaises sont en cours de production et de diffusion sur les trois premières chaînes (dix sur TF1, neuf sur France 2, huit sur France 3).
Le deuxième filon est plus difficile à creuser, tous les jeux de société ne supportant pas la transition d’une soirée entre amis où tout le monde est actif vers un petit écran avec des observateurs passifs. Mais, pour TF1, M6 et Canal+, la martingale se trouverait dans la combinaison des deux, en mêlant jeu et polar.
C’est ainsi que la figure du « traître » débarqua dans nos soirées cathodiques. Cela fait déjà deux ans que M6 l’a adopté, avec la bien nommée émission « Les Traîtres », qui reprend le fonctionnement des Loups-garous de Thiercelieux. Ce jeu, qui ne nécessite qu’un paquet de cartes et une bande d’amis, et qui cartonne depuis son lancement, en 2001, reprend lui-même un concept plus ancien que certains connaissent sous le nom de « Mafia ». Les règles varient, mais le principe de base est le même : quelques méchants (les loups-garous) sont infiltrés dans un groupe majoritairement composés de gentils (les villageois) qu’ils essaient d’éliminer les uns après les autres sans se faire démasquer. Talents requis : faconde, art du mensonge et amour de la manipulation.
Dans le jeu de la Six, une quinzaine de participants relativement célèbres sont enfermés dans un château et doivent débusquer les trois traîtres qui se cachent parmi eux. Ici, le téléspectateur est omniscient et, comme devant Columbo, s’intéresse plus au comment qu’au qui. Et de se délecter de voir les innocents se défendre parfois jusqu’aux larmes tandis que les traîtres ne reculent devant aucun mensonge.
Un concept efficace
Devant le succès de ce programme, TF1 et Canal+ ont à leur tour lancé leur variante vendredi 11 octobre, concomitamment. La Quatre a fait simple : « Les Loups-Garous de Thiercelieux » transpose le jeu du même nom dans la réalité en misant sur des participants peu connus, mais aux profils intéressants (un ancien espion de la DGSE, un mentaliste, une joueuse de poker professionnelle, un spécialiste du langage, une mathématicienne, une journaliste…). Présentée par les humoristes Fary et Panayotis Pascot, l’émission mise plus sur le second degré et la coopération entre les participants (les téléspectateurs ne connaissent pas l’identité de tous les loups-garous). Elle illustre également la porosité de plus en plus grande entre la télévision et les formats de YouTube, autre manière de contourner les risques de l’innovation.
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