Cela fait bientôt un an qu’Emmerick D. a été blessé par balle au poumon à son domicile dans la banlieue de Besançon. Le 13 juin 2023, à 6 heures du matin, des coups violents sont frappés à sa porte. Une colonne de dix hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Dijon, accompagnée de trois policiers bisontins, est venue interpeller un homme jugé dangereux, accusé d’une tentative de meurtre à la Kalachnikov dans le cadre d’un règlement de comptes lié au trafic de stupéfiants.
Emmerick D., âgé d’une trentaine d’années, est soupçonné de l’héberger. Lui-même est connu de la justice pour avoir été condamné à plusieurs reprises pour trafic de stupéfiants et poursuivi pour des violences conjugales.
Casqués et cagoulés, les policiers de la BRI en tête du dispositif se tiennent dans le couloir sombre conduisant à son appartement, prêts à intervenir. Ils obturent le judas de sa porte et installent un vérin pour l’ouvrir d’un coup. Mais le chien présent au domicile commence à aboyer, et réveille Emmerick D. Ce dernier, torse nu, se dirige vers la porte, regarde à l’œilleton, ne voit rien. Quand il entrouvre la porte, il reçoit une balle de pistolet quasi instantanément. Les policiers ne trouvent personne d’autre à son domicile. Emmerick D. a le poumon perforé. Opéré en urgence, il se rétablit mais garde une impotence fonctionnelle du bras gauche et souffre toujours de troubles psychologiques liés au tir. Il se voit prescrire deux mois d’interruption totale de travail.
Révélée par Mediapart et Libération, l’affaire n’a pas fait grand bruit jusqu’à présent. Notamment parce que la victime, Emmerick D., que Le Monde a essayé de joindre, ne souhaite pas s’adresser à la presse. Mais son conseil, Me Christophe Bernard, décrit une intervention sans identification et un tir sans sommation.
Un seul des policiers présents sur les lieux assure que le terme « police » a été prononcé. Le tireur dit pour sa part avoir crié « Bouge pas » à Emmerick D., qui aurait esquissé un mouvement lui laissant penser qu’il allait saisir une arme. Une vidéo de 18 secondes, prise au téléphone par un des trois policiers bisontins placés en queue de colonne, atteste que le seul terme prononcé à haute voix au cours de l’intervention a été celui d’« ouverture » suivi d’une détonation quasi simultanée. Et Emmerick D. n’était pas armé.
« Une intervention délicate »
Ces faits – et la vidéo – ont été révélés au cours de l’enquête préliminaire ouverte en juin 2023 par le procureur de Besançon, Etienne Manteaux, et confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).
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