« Nous ne sommes pas les salopes du FMI [Fonds monétaire international] ! » Descendus dans les rues de Nairobi, fin juin, pour protester contre un projet de hausse d’impôts, des manifestants kényans s’en sont pris à l’institution de Washington, accusée de faire pression sur leur pays pour réduire ses déficits. Depuis quelques mois, les mêmes critiques et manifestations fusent dans une série de pays en difficulté, comme l’Egypte ou le Nigeria, frappés par des programmes d’austérité.
Le FMI comme la Banque mondiale fêtent leurs 80 ans en juillet, et sont de plus en plus contestés par des pays qui n’existaient pas lors de leur création, en 1944. Et ce alors que les crises que ces deux institutions doivent affronter se multiplient, qu’elles soient géopolitiques, financières (avec le surendettement des pays pauvres) ou liées au réchauffement climatique.
Le déferlement de colère au Kenya rappelle les protestations contre les programmes d’austérité imposés par le FMI dans les années 1980 et 1990 en Indonésie, au Yémen, en Argentine ou au Maroc. Depuis, l’institution a pourtant abandonné ses principes d’inspiration libérale, dits « consensus de Washington », comme la dérégulation financière ou les privatisations.
« Le FMI n’a plus les moyens financiers »
« Le FMI est aujourd’hui plus pragmatique, engagé sur les questions de justice sociale ou d’égalité de genre, explique Daniel Bradlow, économiste à l’université de Pretoria. Mais il n’a tout simplement plus les moyens financiers de venir en aide aux pays fragiles : il leur demande donc de se serrer la ceinture. »
L’économiste sud-africain a calculé qu’en 1944 le budget de l’organisation représentait 3 % du produit intérieur brut (PIB) mondial pour garantir la stabilité financière de quarante-quatre pays membres. Quatre-vingts ans plus tard, l’institution recense 191 membres avec des ressources qui ne représentent plus que 1 % du PIB mondial. « S’il avait plus de ressources pour venir en aide aux pays en crise, leurs politiques d’austérité seraient moins sévères », abonde Gyude Moore, chercheur au centre de réflexion américain Center for Global Development et ancien ministre des infrastructures au Liberia.
« L’année 2023 a été désastreuse pour l’aide au monde en développement », fustigent également Nand Kishore Singh et Lawrence H. Summers, dans une tribune publiée le 15 avril par Project Syndicate. Les deux économistes rappellent qu’avec la hausse des taux d’intérêt, qui a renchéri le montant des remboursements d’obligations et de prêts, près de 200 milliards de dollars (183 milliards d’euros) ont quitté les pays en développement au profit de créanciers privés en 2023. « Ce qui a complètement éclipsé le soutien financier des institutions internationales. »
Il vous reste 56.59% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.