POLITIQUE – Un détail qui veut dire beaucoup. François Bayrou peine à convaincre les oppositions avec son idée de « conclave » pour revenir sur la réforme des retraites. Une méthode « radicale et inédite », a-t-il insisté, ce mardi 14 janvier, lors de sa déclaration de politique générale, mais immédiatement battue en brèche par une partie de ceux à qui elle s’adresse.
François Bayrou, pour survivre, tente d’acheter le PS et le RN (mais à moindres frais)
Certes, la gauche socialiste et les syndicats approuvent sur le principe le mouvement du centriste, en ce qu’il représente la première remise en question de ce texte tant décrié depuis son adoption aux forceps en 2023. Ils se félicitent notamment de la place accordée aux partenaires sociaux après la défiance entretenue ces dernières années par l’exécutif à leur égard. Mais « le compte n’y est pas », selon les avertissements du Parti socialiste ou de la CGT.
En plus de leurs diverses revendications non satisfaites pour l’heure, sur le budget par exemple, la méthode choisie par le Premier ministre pour la renégociation de la réforme des retraites, loin de l’abrogation ou de la suspension un temps espérées, n’est pas satisfaisante à leurs yeux. Ils réclament des gages pour la suite, notamment en cas d’échec des négociations.
« On donne un droit de véto au Medef »
En clair, François Bayrou a annoncé mardi demander aux partenaires sociaux de se mettre autour d’une table pour aboutir, en trois mois, à une nouvelle réforme qui respecte les équilibres budgétaires. « La loi de 2023 a prévu que l’âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026. Une fenêtre de tir s’ouvre donc », a-t-il fait valoir. En revanche, si les syndicats et les organisations patronales échouent, c’est bien la réforme d’Élisabeth Borne qui s’appliquera. Un écueil majeur pour les élus socialistes et la dirigeante de la CGT Sophie Binet.
« Dans la forme de ces discussions, le Premier ministre met le patronat en position de force, alors que le patronat tient aux 64 ans et qu’il veut même aller plus loin en confiant nos retraites aux fonds de pension », a-t-elle rappelé ce mercredi sur RTL. Avec ces conditions, François Bayrou « sait déjà », selon elle, que les discussions échoueront et que la réforme d’Élisabeth Borne perdurera.
Un risque également identifié au PS, où l’on essaie toujours de négocier les conditions d’un accord de non-censure avec Matignon. « C’est tout à fait insuffisant. En vérité, on donne un droit de véto au Medef dans les négociations. C’est plié d’avance », a ainsi résumé le député socialiste Philippe Brun, ce mercredi sur BFMTV, dans le sillage de la responsable syndicale et du secrétaire national du PS la veille sur TF1.
« Ce que je demande au Premier ministre », c’est « qu’il dise que, qu’il y ait accord ou pas accord (entre syndicats et patronat), le Parlement sera saisi de la question des retraites sur la base des propositions qui auront été faites par les uns et par les autres », a clairement exposé Olivier Faure dans son entretien au journal de 20 heures.
Le gouvernement cafouille, mais ne recule pas
Pour les roses, la manœuvre est d’autant plus délicate qu’ils n’ont pas obtenu la suspension de la réforme qu’ils appelaient de leurs vœux et qui aurait donné plus de poids aux syndicats dans la négociation avec le Medef. Olivier Faure et ses troupes sont donc appelés par le « bloc central » à ne pas censurer le gouvernement, le laissant ainsi cheminer sur le budget, au risque de se retrouver le bec dans l’eau dans trois mois.
Signe de la fébrilité ambiante sur cette question pourtant centrale (et décisive pour la survie à moyen terme du gouvernement), les ministres peinent à dissiper le flou qui plane sur la stratégie de François Bayrou, qualifiée « d’opération enfumage » par Jean-Luc Mélenchon et les insoumis.
Ce mercredi matin, Matignon et la porte-parole du gouvernement ont martelé que la réforme Borne s’appliquerait bien en cas d’échec des négociations. Pourtant, le ministre de l’Aménagement du territoire François Rebsamen expliquait la veille que les parlementaires auraient le dernier mot, quoi qu’il arrive. Ce mercredi après-midi, François Bayrou a dégagé une troisième voie, à l’Assemblée, en évoquant la possibilité de « progrès » (sans accord) entre syndicats et patronats, qui seraient soumis au vote au Parlement.
Un semblant de cafouillage qui en appelle un autre, sur la date du début des négociations. Contrairement à ce qu’ont indiqué plusieurs responsables syndicaux et la ministre du Travail dans la matinée, le premier rendez-vous entre les partenaires sociaux aura bien lieu vendredi matin, comme annoncé par François Bayrou à l’Assemblée. « On ne peut pas non plus convoquer les personnes en moins de 72 heures », avait expliqué Astrid Panosyan-Bouvet sur franceinfo pour justifier ce retard à l’allumage. Avant un petit miracle… Qui risque de ne pas durer.
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