PARIS PREMIÈRE – SAMEDI 11 JANVIER À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE
Quatre-vingt-quinze ans d’existence, soixante-dix de mariage, autant de carrière, passés à rédiger des milliers d’articles et de chroniques pour Le Figaro, France-Soir, Nice-Matin, Paris Match… et surtout à animer des émissions devenues des monuments de l’histoire de la radio et de la télévision : « Les Grosses Têtes » (que RTL lui confie sans y croire un 1er avril 1977) et « Le Théâtre de Bouvard » (lancé en 1982). Même ramenées à leurs formes les plus succinctes, les mille et une vies de Philippe Bouvard impressionnent. Les évoquer en un peu plus d’une heure relève de la gageure.
Aussi les deux réalisateurs ont-ils dégainé leur botte secrète : obtenir que Philippe Bouvard les reçoive dans sa villa cannoise et s’exprime – aussi – sur sa vie privée. D’où la présence, rare également, de son épouse, Colette, aux côtés des multiples amis de ce découvreur de talents : Muriel Robin, Michèle Bernier, Mimie Mathy, Philippe Chevallier, passés par « Le Théâtre de Bouvard » ; les ex-« Grosses Têtes » Jacques Mailhot, Francis Perrin et Macha Méril ; le journaliste Jérôme Béglé, mais aussi David Lisnard (maire de Cannes) et Nicolas Sarkozy, nostalgique : « Il a cru en moi très jeune. »
« Il avait compris que le public est très intelligent », décrypte Macha Méril. Il en est de même pour ce film initialement titré Philippe Bouvard, sa vie est un jeu − en référence à sa passion dévorante −, ouvrant la soirée spéciale qui lui est consacrée sur Paris Première. En retour, comme le montrent des dizaines d’archives, son public lui est toujours resté attaché.
« Le représentant du Français moyen »
Aussi risque-t-il de se sentir frustré, tant les extraits de ses émissions phares sont brefs. Seuls Jean Yanne et Jacques Martin tirent leur épingle du jeu, devant Johnny Hallyday et Thierry Le Luron. Quand Serge Gainsbourg est juste audible, et Jean Dutourd à peine entre-aperçu. En contrepartie, la narration est bavarde. Et la mise en scène utilise largement les séquences de ses auto-entretiens (avant l’IA), dans lesquels Bouvard interviewait Bouvard.
Nonagénaire, ce dernier n’est pas celui qui intervient le plus. Ses fidèles apprécieront ses confidences, notamment sur son enfance difficile, abandonné à la naissance par son père (parti avec les économies de sa mère !), petit garçon juif traqué pendant la guerre et cancre à l’école. Intéressant également le récit de l’ascension professionnelle. « Il estimait qu’il était le représentant du Français moyen. Il s’est rarement trompé », souligne Philippe Chevallier, très juste tout au long du film. Quitte à ne pas supporter la contradiction, à blesser, mû par sa soif de réussite.
Aussi on s’étonne de la part d’un homme si exigeant que la fin de l’émission des « Grosses Têtes » soit tronquée : « En 2014, “Les Grosses Têtes” s’arrête », énonce le narrateur. Or, RTL a remercié Philippe Bouvard une première fois à l’été 2000 pour mettre à sa place Christophe Dechavanne, plus jeune. Ce que le public n’a ni compris ni suivi. Au point que, fait rarissime, RTL a rappelé Philippe Bouvard, qui a repris « Les Grosses Têtes » de février 2001 à la rentrée 2014. Là, à 84 ans, il cède sa place à Laurent Ruquier – un autre absent ici –, mais continuera à travailler pour RTL jusqu’en… décembre 2024.
Les Mille et Une Vies de Philippe Bouvard, documentaire de Fabrice Gardel et Edward Beucler (Fr., 2024, 74 min). Diffusé dans le cadre d’une soirée spéciale Philippe Bouvard sur Paris Première et suivi des Grosses têtes spéciale Philippe Bouvard.